<< Poésie d'un jour
Photo-collage : → G.AdC
regarde-moi bien
dit le coquelicot
parce que
je suis fragile
*
l’œil de l’éveil
s’allume
quand tu vois
éclore l’iris
*
lance si tu le peux
le silence
il attrapera
ton cri
*
derrière
la grange
le regard
est un navire
*
quand tout va
rends grâce
si rien ne v a
consens
*
entre
est invisible
et nous
relie
*
pour attraper
l’éclair d’une pensée
les mots
sabots de pierre
*
les branches au ciel
s’enchevêtrent
nouent
l’étreinte secrète
*
emporté
par le ruisseau des yeux
le frêle esquif
de papier
*
le pied des arbres déborde
sous l’édredon des nuages
au loin
une lucarne s’allume
Jacques Goorma, Lucarnes, Arfuyen 2024, pp. 45, 46, 47, 48.
JACQUES GOORMA D.R. Ph. Reha Yunluel Source ■ Jacques Goorma sur Terres de femmes ▼ → [À la bonne parole] (poème extrait de À) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de la Maison de la poésie et de la langue française, Namur) une notice bio-bibliographique sur Jacques Goorma → (sur Terre à ciel) un entretien avec Germain Roesz, par Cécile Guivarch → (sur Monde en poésie de Brigitte Maillard) Jacques Goorma, Propositions → (sur Recours au Poème) Jacques Goorma : une po-éthique du dépouillement lumineux, par Muriel Stuckel |
<< Poésie d'un jour
Illustration de Lionel Balard
ce qui tremble et s’échappe dans le regard, à la limite du réel, une
clarté qui se dissipe et disparaît au gré des images de l’eau
c’est cela qui se joue dans la tonalité de ses lumières, et s’impose, insis-
tant, comme ces odeurs douces et ces voix disparues dans les chambres
désertes
et c’est là où se prend le rêve, c et écart entre absence et présence, terri-
toire de solitude et d’intense vertige dans l’abrupt de l’instant, où règne
un tremblement de prises d’être et de pertes d’être sans fin
c’est un lieu perdu dans le monde, au seuil de notre espace et de toute
pensée, en bordure de temps et d’haleine, ce lieu d’incertitude où
germe le poème
où vont se perdre ces reflets captifs des paysages qu’elle emporte, ces
images tremblées du réel dont l’encre se dilue sur un papier de soie ?
ne reste que la trace du paysage, comme un mot suit un autre pour
atteindre le silence, un écho dans la gorge, au-delà de la voix
ainsi vont ces images, la même phrase à l’infini, reprise, biffée, réécrite,
répudiation à l’infini des mots de ce poème qui s’écrit sans nous et
qui, seul, nous parle d’un monde que nous ne pouvons pas comprendre
le temps n’existerait donc pas
Michel Diaz, Lionel Balard, Eloge des eaux murmurantes, Editions La Simarre, 2024, pp.33, 34, 35.
M I C H E L D I A Z Source ■ Michel Diaz sur Terres de femmes ▼ → Comme un chemin qui s’ouvre (lecture d’AP) → Ce qui gouverne le silence (extrait de Comme un chemin qui s’ouvre) → clair-obscur (extrait de Lignes de crête) → Le Verger abandonné (lecture d’AP) → Sous l'étoile du jour, Rosa Canina éditions, 2023, Lecture d'Alain Freixe. ■ Voir aussi ▼ → le site de Michel Diaz → le site d’Olivia Rolde ■ Notes de lecture de Michel Diaz sur Terres de femmes ▼ → Jeanne Bastide, La nuit déborde → Alain Freixe, Contre le désert → Françoise Oriot, À un jour de la source
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<< Lecture
"Cette nuit un livre, publié en 1949. Son papier tombe en poussière."
Edition originale de la traduction française de l'allemand par Henri Plard.
Mon chant sera court. La fin du monde va vite, il me faut aller plus vite encore et la doubler, faire s’ouvrir sur la page ce qui s’appelle une âme, la tienne.
C’est tout ? dit le silence. Oui, c’est tout pour l’instant, pour cette page. Une rencontre est absolue, ou bien ne se fait pas. L’absolu est corne d’abondance, un infini versé à mes pieds. Les vingt ans à venir feraient comme vingt secondes. Oh, l’habileté des prêtres, ces mauvaises façons d’apprivoiser l’âme et de claquer sur elle les deux mains d’une grosse bible, comme sur un moustique. Merveille des humains qu’aucune technique ne capture ! Chevaux sauvages, poèmes en loques, nuages ivres !
Ne me demandez pas ce que je fais mais plutôt ce à quoi je demande un secours. Cette nuit un livre, publié en 1949. Son papier tombe en poussière. Je l’ouvre, il me recueille. Héliopolis de Jünger. Mes mains se font légères pour ne pas blesser les ailes fanées des pages. Raconte-moi une histoire, c’est pour ne plus mourir, sais-tu. Ramène-moi chez moi. Les heures en bronze de la nuit sont des divinités cruelles. Bouscule-les de leur socle avec une seule de tes phrases, avec le calme de ta voix qui est bien plus que l’histoire, bien plus que les mots.
Te lire est entrer chez un marchand de tapis précieux dans un arrondissement silencieux de Paris. Chaque phrase s’étale devant moi comme un tapis aux motifs lumineux, chaque nouveau tapis déroulé sur le sol apparaît plus riche que le précédent, et la boutique s’agrandit chaque fois, repousse ses murs, devient plus large que le monde.
« Désormais, je crois que le poète est le seul à pouvoir apporter une solution… » Ta voix est une poignée de fleurs jetée dans la rivière, elle est ce fluide plus vital que le sang : la confiance. L’irraisonnable confiance envers ce qui murmure derrière le rideau rouge du sang – la petite troupe des anges qui jouent comme jouent les enfants dans une éternité de vie.
L’écriture est un linge frais tendu sur un fil d’encre.
Le mot « avenir » résonne lorsque j’entends tourner la presse typographique où s’imprime mon premier livre. Le livre jaillit comme un boulon mal serré gicle des ossements en marche d’une machine presque humaine. Il bondit dans ma main, formé en plomb comme c’est alors la règle en imprimerie. Désormais ce ne sera plus la nuit qui prendra soin de moi, c’est moi qui en écrivant la servirai, l’apprêterai, l’ornerai – avec toutes les définitions possibles de l’écriture : secret, rivière, noisetier, amour de loi, nuage, tigre, âge d’or, hirondelles, feutre noir.
Des dents claquent dans le vide et dans ce vide il y a tout. La machine artisanale, célibataire, rachetée à un vieil imprimeur. Je connais depuis ce temps l’amour des beaux papiers. C’est un amour ravageur, comme celui des tomates anciennes, cœurs -de-bœuf, ou des carottes disparues, rougeterres. Leur goût est inimitable, et si comblante leur douceur.
Le silence est un grand rugbyman. Il me plaque aux épaules, aux jambes, me dit : Tu ne sortiras pas de cette page que tu n’aies écrit quelque chose de plus beau que la neige dont je recouvre tout, pelisse de l’invisible.
J’écris pour vous construire un nid. Il fait trop froid dehors.
Arrête cette musique, me dit ma mère en entrant furieuse dans ma chambre d’adolescent, on l’entend jusque dans la rue ! Ce jour-là, par cet ordre, ma mère m’envoya chez les morts qui font des livres dont les pages, quand on les tourne, font moins de bruit que l’air glissant sur l’eau d’un étang.
Christian Bobin, Le Murmure, Éditions Gallimard 2024, pp. 31, 32, 33, 34
♦Voir aussi sur → Tdf
Lecture
"J'ai cliqué sur un film proposé en replay.
Le Hasard, du réalisateur, Kieślowski "
Source
Vous m’écoutez toujours ? Je cherche depuis des dizaines d’années. Ou plutôt l’histoire revient m’obséder périodiquement, disparaît, reparaît. Connaissez-vous ces apparitions, ces resurgissements ? À chaque fois je me dis, j’irai au bout. Je retrouverai des membres de sa famille, je prendrai contact avec eux. Je suis allée dans des foires aux vieux livres pour retrouver des journaux de mai 1961, j’ai pu lire certains articles sur Internet – depuis qu’Internet existe ou plutôt depuis que j’ai eu l’idée qu’il pouvait y avoir là aussi quelques traces – j’ai multiplié les entrées, le numéro du vol, l’histoires des catastrophes aériennes, pour m’arrêter à chaque fois en cours de route et me dire, à quoi bon ?
Le temps passait sans apporter autre chose que la preuve d’une blessure non refermée. Un jour, pour me distraire, alors que je ne pensais pas à l’accident, j’ai cliqué sur un film proposé en replay. À cause du titre, Le Hasard, à cause du réalisateur, Kieślowski. Quelques lignes expliquaient que le film avait été tourné en 1981, interdit en Pologne et diffusé en 1987 seulement, avec quelques scènes censurées. Le personnage principal, Witek, devait prendre le train pour Varsovie. Trois variations s’offraient. La première, il arrivait au dernier moment et attrapait tout juste le train, devenait militant communiste au hasard d’une rencontre. Je peux vous raconter ?
Si cela fait partie de l’histoire…
Vous allez voir. Dans le cadre de son activité militante il doit aller en France mais en raison d’une grève, il ne peut pas partir. C’est la première fin. Deuxième variation, il ratait le train après avoir lutté en vain contre un milicien qui l’empêchait de passer, devenait opposant catholique au hasard d’une rencontre, devait se rendre en France mais on lui refusait son passeport. Troisième possibilité, il ratait le train sans heurt, poursuivait une vie académique, devait partir un jour en Lybie, changeait son billet au dernier moment en s’apercevant que le jour du départ tombait le jour de l’anniversaire de sa femme et son avion- qui n’était plus celui de la compagnie polonaise Lot mais un vol Air France – faisait escale à Paris. L’avion explosait envol. Dans les trois hypothèses, la Pologne était une prison dont il était impossible de sortir. Fermeture des frontières et des destinées, ni l’opposition ni l’adhésion au régime ne permettaient un horizon, et si l’on essayait le chemin des cimes, ni d’un côté ni de l’autre mais entre deux abîmes perpétuels, la voie se révélait également sans issue, finissant par la désintégration dans le ciel. L’explosion - à la fin de la troisième hypothèse – était la dernière image du film. Vous comprenez maintenant ?
Je ne crois pas.
Dès qu’une catastrophe aérienne se produit, à son annonce je pense à celle qui a marqué ma vie. Et quand c’est un avion d’Air France j’y pense encore plus. A d’autres moments, c’est le hasard qui m’y ramène. Comme ce film. Cet accident est le point de fuite de mon existence, le lieu où convergent les lignes de force, ce qui lui donne son unité, sa perspective mais ce point invisible me demeure perpétuellement caché, d’une certaine façon interdit. A chaque tentative d’approche il y a comme une barrière qui se dresse, comme une voix silencieuse qui me dit, n’y va pas. Propriété privée – défense d’entrer.
-Le premier dimanche du mois de mai.
-Ayez courage.
-Levez-vous à cinq heures du matin.
-Sortez dans la rue, la campagne, la forêt.
-Ouvrez votre fenêtre.
-Sortez sur le balcon.
-Et écoutez.
-J’écoute sans regarder et ainsi je vois, disait Pessoa.
- Quel que soit le pays.
-Quel que soit le continent.
-En ville ou au b ord de mer.
-Où que vous soyez.
-Vous entendrez.
-Le premier dimanche de mai.
-Les oiseaux chantent les autres jours bien sûr.
-Mais ce jour-là, au-delà des frontières.
-Ce jour-là, les casques, les écouteurs.
-Les appareils d’enregistrement les plus sophistiqués.
-Ou les plus simples.
- Se donnent rendez-vous.
-Quel que soit le lieu.
-Au même moment.
-Entre 5 heures et 9 heures du matin.
-Et se tendent, se mettent en marche, enregistrent.
-La mélodie devient tracé.
-Les courbes ses dessinent, des couleurs apparaissent.
-La mélodie devient tracé.
-Quelques secondes suffisent.
-Un chargement sur un site.
-Et se dessine une mosaïque.
-Sur un planisphère.
-Un chœur d’oiseaux.
-En Laponie, en Écosse.
-En Angleterre, aux Pays-Bas.
-En Bavière, au Canada.
-Un chœur.
-Certains sites font un montage.
-D’autres se contentent de juxtaposer les chants.
-Quelques photos donnent une idée des lieux.
-Des paysages.
-Un chœur.
-Du Canada au Ghana.
-Sur ce site, par exemple, « The Sound Approach ».
-Vingt-six minutes de chants qui jaillissent dans le silence environnant avec solistes et musiques d’ensemble, vingt-six minutes avec explication sur les lieux et les espèces d’oiseaux.
-Dans la toundra, la taïga, les marais.
-Dans la brousse, la savane.
-Parfois le graphique ressemble à une forêt.
-Un océan de verdure dont les lignes ondulantes figureraient des arbres.
-Ou une végétation sous-marine.
-Le premier dimanche du mois de mai.
-Le monde est à l’écoute.
Cécile Wajsbrot, Plein ciel, Éditions Le Bruit du Temps 2024,pp. 46, 47, 48, 49, 50.
CÉCILE WAJSBROT
Source ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Cécile Wajsbrot → sur le site des éditions Le Bruit du temps) la fiche de l’éditeur sur Nevermore |
<<Poésie d'un jour
" un visage éperdument aimé " source
Temps de crise et d’inquiétude, la peste,
foyer mal éteint, se rallume à intervalles,
les hivers longs et froids entraînent de mauvaises
récoltes, signe néfaste des astres,
en mil cinq cent treize le siège de Dijon a réveillé
le spectre de la guerre – celle de Cent Ans
quelque soixante années plus tôt n’est pas si loin –
face à de pareilles menaces,
tu réponds, Maître, par ton art,
tu traduis dans la pierre ce que tu portes en toi,
la force dans laquelle tu sens et tu saisis
la vie, si âpre soit son goût,
si l’idée de la mort domine ton époque,
si tes contemporains familiers de l’horreur,
goûtent, réclament les évocations morbides,
tu crois à la vie, notre bien le plus précieux,
tu en célèbres la beauté
partout où tu la trouves, tu as à cœur d’opposer
à sa fragile apparition,
la pierre que tu sculptes, solide, pérenne,
le réalisme macabre ne t’intéresse pas,
pas plus que les hideuses fantasmagories en vogue,
comme ces danses de squelettes
entraînant les vivants, peu te chaut d’illustrer
le sort égal de tous, riches et pauvres,
jeunes ou vieux, devant la mort,
ni son irruption brutale, telle qu’Holbein
la représente au milieu du travail
ou des jeux, non, tu t’émeus devant tout
ce que la vie te montre
-êtres, choses- faibles, éphémères, qu’importe,
chaque spectacle, chaque personne t’inspire
une tendresse que tu confies à la pierre,
alors, s’agissant d’un visage éperdument aimé,
comment s’étonner que tu l’aies placé au centre,
précisément en contrepoint
de celui du mort, comme inachevé,
qui déjà se perd dans l’informe,
dans l’aura de ce doux visage, entouré de ses proches,
l’égoïste crainte de la mort a fait place
à la profondeur du chagrin de ceux qui restent,
à leur ultime compassion mêlée de soins ultimes,
c’est désormais l’amour, lui seul, qui parle,
le tien, Maître, rebelle à la pensée
que ce corps de femme se décompose un jour
-Corps féminin, chante Villon, qui tant est tendre,
Poly, souef, si précieux,
Te fauldra il ces maulx attendre ?
Oui, ou tout vif allez es cieulx-
ton amour, Maître,
a imprimé dans la pierre une émotion qui témoigne
d’un combat victorieux.
Salomé, détail de la « Mise au tombeau » de Chaource, photographie Agnès Fabe
Béatrice Marchal, Salomé, ma salamandre, L’herbe qui tremble 2024, pp.74, 75, 76.
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BÉATRICE MARCHAL
Source
■ Béatrice Marchal
sur Terres de femmes ▼
→ Au pied de la cascade (lecture d’Isabelle Lévesque)
→ Dans l’écho de pas anciens (poème extrait d'Élargir le présent)
→ [Quelle part de soi a-t-elle sombré] (poème extrait de Résolution des rêves)
→ Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur (lecture d’Isabelle Lévesque)
→ [Ce que tu as cru voir courir à vive allure] (poème extrait d’Un jour enfin l’accès)
→ Gardé vivant, peintures de Jean-Marc Brunet, Poésie, Al Manar 2022
→ Béatrice Marchal lit Marcher dans l’éphémère ( lecture d'Angèle Paoli ), Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits, 2022,
→ Michel Passelergue, Un roman pour Ophélie, suivi de Douze monodies au bord de la nuit Éditions du Petit Pavé, 2022, (lecture de Béatrice Marchal )
→Danièle Corre , Ces ombres qui nous peuplent; Éditions La feuille de thé, 2023.
Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Al Manar) la fiche de l’éditeur sur L’Ombre pour berceau
<<Poésie d'un jour
TANGRAM
2
Je suis étranger à moi-même. Toi, tu vis chaque
instant du moindre de tes atomes. Pour cela, je
t’en veux terriblement. Et pour cela je t’aime
encore plus terriblement.
Te rencontrer, je l’ai presque autant craint que
souhaité : avant d’être beauté tu es lumière,
vérité profonde, irradiante. Rien ne pouvait m’y
préparer.
Tu dois sauver ce qui peut l’être en moi. Soigner
l’aveugle et sourd, l’absent, le fait d’ombre… Je
t’en supplie.
Mais tu vas contre mon unicité. Ma solitude est
toujours plus sédimentaire, alors qu’il faudrait
la saisir comme un fruit, l’ouvrir, en extraire le
noyau.
Je n’ai pas gémi, hurlé, mordu depuis longtemps.
Maudit. Je n’ai pas maudit depuis longtemps.
Me prend encore, de loin en loin, l’envie de
t’ingérer. Pour m’approprier ta fraîcheur et ta
sagacité, l’ondoiement continu de ton intelligence.
Je veux tout. Que tu m’apaises et que tu me
ravages. Être ta victime et ton bourreau. Je veux
un horizon païen directement issu de ta carnation.
Jérôme Nalet, « Tangram II », in Tangram, Cheyne Éditeur, Collection Grands Fonds, La voix est libre, 2024, pp. 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48.
♦ Note de l'Éditeur :
Tangram est à la fois un jeu composé de sept pièces de bois de différentes formes et le titre du premier livre de Jérôme Nalet publié chez Cheyne composé de quatre textes. Pour l’un comme pour l’autre, tous les agencements sont possibles, toutes les imaginations.
Qui sont les figures évoquées dans ce livre ? Qui est ce père ? Ce fils ? Cet impérial Costa, mystérieux et comminatoire ? Qui sont Pic et Ploc, ces enfants malfaisants, dangereux et sournois dont les présences évoquent peut-être le fascisme ? Chacune, chacun aura ses réponses à ces questions posées dans une écriture incisive, précise et souvent pleine d’humour, qui n’est pas sans rappeler certains récits de Kafka. Le livre se clôt sur des monologues du personnage de la Barbe-Bleue, tout droit sorti du conte. Et c’est tout simplement la littérature qui se réinvente sous nos yeux, dans une langue nouvelle, inédite. Un premier livre remarquable.
Brina Svit, Les cycles de la révolte, Éditions Gallimard 2024
Lecture d’Angèle Paoli
Gravure de Monique Tello : Source
Boris A. Novak, « porte-parole de la révolte »
Voilà un roman, Les cycles de la révolte, dont la narratrice est à l’image de sa créatrice. Difficile, pour moi qui connais de longue date la romancière franco-slovène Brina Svit de les dissocier l’une de l’autre, tant elles se ressemblent. Même âge, à peu de choses près, même allure juvénile, même façon d’être et de se déplacer – de préférence à vélo –, même caractère, à la fois rebelle et tendre. Têtu et drôle. Fantaisiste et changeant, capable de faire volte-face en un clin d’œil.
Dans ce dernier roman, récemment paru aux éditions Gallimard, collection blanche, Brina Svit met l’accent sur plusieurs cycles de la révolte. Révolte intime, sur laquelle s’ouvre le récit de Nastia, la narratrice, révolte plus ample d’un petit pays, la Slovénie. Deux cycles, apparemment disjoints, qui, par touches successives et en l’espace de quelques jours, se trouvent intimement liés. Car Nastia, native de Ljubljana est restée slovène de cœur en dépit de son amour indéfectible pour Paris, sa ville d’adoption.
Nastia est venue se replier quelques jours dans sa ville natale afin de rompre définitivement avec l’échec amoureux qui la ronge. Un abandon incompréhensible, tout à fait imprévu, qui a mis fin à une relation extra-conjugale avec un amant qui lui déclare tout de go et sans autre explication que sa nouvelle amante se résume à « une attirance ». Une déclaration qui laisse Nastia désemparée et rivée à son téléphone portable, dans l’espoir qu’elle y trouvera la petite phrase magique à laquelle ils étaient tous deux arrimés, depuis tant d’années :
« Je t’aime, tête dure, comme la mer aime le menu gravier de ses profondeurs. »
Une fois envisagée la rupture avec François, il ne reste que la « tête dure » de Nastia qui s’enferre et ne parvient pas à se libérer de cette emprise. Un fil rouge que cette « tête dure », lui-même inclus dans le fil rouge emprunté à Kafka, dont la petite phrase revient comme un leitmotiv poétique dans le récit pris en charge par Nastia. Il faudra à la narratrice une série d’événements pour qu’elle parvienne à rompre ce fil à la patte qui la mortifie et la laisse vide au bord du gouffre. Parmi les événements perturbateurs, la manifestation hebdomadaire qui réunit à Ljubljana les révoltés contre le gouvernement slovène. Ljubljana, la « bien aimée », qui draine avec elle, dans sa lenteur de belle endormie, la nostalgie de Paris :
« Et elle ne se lasse jamais de prendre la rue de Rivoli à vélo, de longer la Samaritaine, le Louvre, les Tuileries, et de continuer jusqu’à la Concorde, surtout à la tombée du jour, que les lampadaires s’allument et que la place devient comme une galaxie, puis de descendre sur les quais pour revenir chez elle, passer sous le Pont-Neuf et sentir quelque chose s’élargir dans la poitrine… » Puis « aller s’asseoir aux Tuileries et contempler le monde autour d’elle comme si elle était au cinéma. »
Ce qui frappe d’emblée dans ce récit conduit avec talent, c’est sa rapidité d’exécution romanesque. Tout en zigzagant dans la narrativité, Brina Svit va droit au but, avec la vivacité et l’énergie qui la caractérisent, jouant de l’élastique sur l’axe temporel où alternent rétrospectives, anticipations et retours au présent, souvenirs et pensées qui tiennent prisonnière la narratrice, retours au mal être actuel qui l’obsède et la tient, vide de désirs, d’occupations, de projets. Laissant tomber sans la prévenir sa sœur Dora qui l’accueille, Nastia s’installe dans un appartement provisoire. Beaucoup trop grand pour elle, dit-elle.
Outre la maîtrise temporelle, l’art du monologue intérieur et celui du dialogue qui assurent au style toute son efficacité, Brina Svit possède aussi à son arc l’art de brosser des portraits tout en contrastes et en contrepoints. Ainsi de Nastia et de Dora - l’impulsive et la rangée - pourtant sœurs, et si différentes. Dora, presque exclusivement occupée par son métier de médecin et par ses patients ; Nastia, chargée à Paris d’une galerie d’art et férue d’art contemporain. Elle voue une admiration toute particulière à Monique Tello, par exemple. Portraits de famille sur des photos de vacances, père mère et sœurs. Portrait de Zarja, l’amie de toujours, un temps, retrouvée ; Zarja qui la met au courant des événements et l’enjoint de rejoindre la manif :
- « Trouve-toi un vélo. Ou vas-y à pied. Je ne sais pas si tues au courant. On manifeste à vélo tous les vendredis depuis un certain temps. A Ljubljana, mais aussi dans les autres villes. On proteste contre la dérive autoritaire du gouvernement. Contre le fait qu’il se serve de l’épidémie pour interdire toute opposition. Contre a politique de haine et d’exclusion. Et tu auras remarqué que je ne prononce même pas le nom de notre Premier ministre, imitateur d’Orbán, admirateur de Trump…Tu devrais y aller pour moi aussi, vu que je ne peux pas bouger d’ici… »
Portraits de Marko et de Tobias, le journaliste belge avec qui, contre toute attente, Nastia finit par partager l’appartement trop grand, propriété de Marko. Tobias, qui s’intéresse à la Slovénie, à ce qui s’y passe en ce temps de pandémie et dont la présence aux côtés de Nastia va bousculer le récit et progressivement changer le cours des choses. Au contact de Tobias et de son engagement, Nastia se déleste peu à peu de son ancienne peau. Elle se dégage de son moi encombrant et autocentré pour s’ouvrir à l’autre, l’accepter jusque dans son projet, s’intéresser à ce qui l’occupe et le préoccupe. Par son humour et son regard décalé Tobias parvient, non sans anicroches, à modifier le regard de Nastia. Sur elle-même, sur son identité, sur sa slovénité. A reprendre en main les rênes de sa vie. Et à rejoindre les milliers de vélos rouges rassemblés pour la manifestation. Premier cycle de la révolte.
Très cinématographique, l’écriture de Brina Svit s’appuie sur des énumérations et des réitérations syntaxiques qui permettent à la romancière de décliner tout l’éventail des portraits qu’elle va tracer en alternance. Un art d’une grande mobilité, tout en fraîcheur juvénile. Ainsi de Nastia la passionnée, qui n’est pas sans évoquer la romancière, un double, en quelque sorte. Nastia la grande amoureuse blessée, pour qui, ce qui compte avant tout, c’est de tout faire pour vivre. Vivre sa vie à fond selon la devise du poète slovène, Boris A. Novak : La liberté est un verbe. Un verbe d’action dont la romancière possède une clé bien à elle.
Quant à Ljubljana, qui n’a aucun secret pour elle, la narratrice y cherche son souffle, celui d’une nouvelle vie, d’un nouveau regard. Elle retrouve peu à peu le plaisir de déambuler dans ses rues et dans ses parcs ; elle en retrouve les mystères. Rien n’échappe au regard de la parisienne venue se délester de ses démons. Chemin faisant, au fil des journées qui passent, elle se réapproprie l’architecture de sa ville – qui doit beaucoup au génie de Plečnik -, son Triple Pont sur le fleuve, ses statues de poètes et d’artistes, ses parcs et ses lieux cachés. La beauté de la ville et ses laideurs se livrent avec pudeur, sous les regards de la lectrice ébahie qui superpose à la capitale slovène les souvenirs qu’elle a gardés de Trieste.
Pour en revenir à Nastia et à cette histoire de manifestations à vélo, la narratrice prend conscience progressivement de l’importance de l’événement. N’est-ce pas déjà un indice de ce qui va se profiler, si elle a choisi, en dépit de ses résistances, un appartement en vis-à-vis d’une usine de cycles désaffectée ? Et si Marko, le propriétaire de cet appartement porte un pull rouge, de ce même rouge dont les murs de la ville, couverts de graffitis de la même couleur, sont tagués ? C’est là, place de la République, devant le Parlement où sont massés policiers et manifestants, qu’elle entend une voix déclamer le poème de Novak sur la liberté :
« La liberté n’est pas un substantif dans le dictionnaire… la liberté n’est pas un mot creux de politicien… la liberté n’est pas garantie par l’Etat… la liberté est un chemin inconnu… la liberté est un verbe. »
Poème qui devient le symbole des « protestations à vélo ». Pacifiques et respectueuses du bien public. Avec Novak, porte-parole de la révolte.
De Tobias et du dénouement du récit, je ne dirai rien. Brina Svit ménage le suspens jusqu’au bout. Et c’est très réussi.
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Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli
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Brina Svit / Les cycles de la révolte / Éditions Gallimard 2024_
Portrait par: G.AdC
♦ Brina Svit sur → Tdf
Lecture
Emma Doude Van Troostwijk
Source : Photo Mathieu Zazzo
Le visage de mon grand-père est penché vers le
bureau en acajou de Mama. Ses genoux sont pliés sur
la chaise à roulettes. Un bout de cuir noir déchiré
fait apparaître la mousse en dessous. Il coince sa
langue entre les dents. Il tient un stylo-plume. Je
demande, Opa, wat doe je, tu fais quoi ? Il ne lève
pas la tête. Je m’approche. Sur le plateau de la table,
il grave des mots incompréhensibles. Je pose ma
main sur la sienne, Opa on fait pause deux minutes.
Je te donne une feuille, d’accord ? Mon grand-père
me regarde. Il ouvre la bouche. Il dit, je cherche ma
femme, vous ne l’auriez pas vue ?
Je ne peux pas. Les portes claquent. J’étouffe, tu
comprends ça ? Bruit de pas dans l’escalier. Nicolaas,
attends. Ne pars pas comme ça. La voix de ma mère
supplie. La porte d’entrée fait trembler les murs en
se fermant. Le chien aboie. Par la fenêtre je vois mon
frère, chaussettes tricotées à la main pour seules
chaussures, traverser la route et courir vers la forêt.
Il trébuche, je serre les dents, il se relève, reprend sa
course et disparaît derrière les grands sapins verts.
Le corps de mon père est recroquevillé sous la lumière
du porche. Enroulé dans la vieille couverture de Nico-
laas, entouré d’un épais halo de fumée, il est une créa-
ture d’un autre monde. Papa ? Je l’appelle en murmurant
pour ne pas l’effrayer. Ses yeux sont vacants. Je m’installe
en face de lui. Je pose en hésitant, avec la fébrilité d’un
geste risqué, ma paume contre son genou. Il ne réagit
pas. Autour de nous, le soleil monte, chassant de ses
premiers rayons le froid de la nuit. On pourrait être un
tableau. Lui, extraterrestre à la peau laineuse, moi, enfant
malhabile à ses pieds. On appellerait ça la tendresse ou
l’étranger. Papa s’essuie les yeux du dos de la main avec
lenteur. Il renifle. Sa voix fissure le silence. Ik weet niet
meer wie ik ben. Je voudrais lui dire qu’il est le géant
sans peur de mes nuits d’angoisse, le héros d’une autre
terre qui n’attend que lui. Je ne dis rien de tout cela. Dire
à mon père qui il est ne m’appartient pas.
La lumière de ma lampe de chevet. Mama
qui me secoue. Papa qui me secoue. Nicolaas n’est
pas là. Le cerveau qui flotte encore un peu. Les yeux
collent. Réveille-toi, il n’est pas revenu.
Emma Doude Van Troostwijk, Ceux qui appartiennent au jour, roman, Les Éditions de Minuit 2024, pp.144, 145, 146, 147.
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Dans le m du temps, il y a moi ta prise de guerre
mes cheveux ont flotté dans le Danube et ont pris la
couleur ophélie
m est brune comme une sarrazine dit-elle encore une
sornette mais
personne n’a la preuve alors on a tous fait semblant de
croire.
sans doute cela fait jouir de penser qu’un prince un
jour autrefois déflora
et moi je ressemble à Madeleine la m de père
l’absente la pâle la légère.
la morte d’un abcès à la gorge à vingt-trois ans
quel frisson pour les vivants
M du roman familial
jamais rien cru soupçon constant d’un faussaire
m de tête et les os du crâne se descellent
mains patientes les rėajustent régu-
lièrement
je dis je vous donne ma tête deux jours et
vous remettez tout en place
comme ça tête ne me fera plus m mal
nous rions sérieusement
M donne à ses filles de rêve ce que je
lui donne dans l’heure qui suit ou dans mon dos
c’est toujours une stupéfaction une petite
dépossession
interloquée et le cœur en bris
m à qui j’ ai offert plus de paires de boucles
d’oreilles qu’à personne d’autre ne parle que de la boîte
où sont celles offertes par une des filles élue
c’est plutôt drôle certes mais petite trace reste
Isabelle Baladine Howald, M, éditions] Isabelle Sauvage, 2024, pp.24, 25, 26.
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L’ESPÉRANCE
Ma femme espère les êtres dans les êtres, les êtres dans les choses, et parfois les choses dans les êtres.
Elle dit qu’elle voit le ciel dans l’oiseau, l’arc- en- ciel dans le renard, qu’elle entend la plainte dans l’arbre et le rire dans l’herbe.
Nous marchons côte à côte sur le sentier du bois.
Je songe à la souris dans la chauve-souris, au moineau dans le chat, à la grenouille dans le bœuf, à la parole dans le singe.
Mais ce n’est pas du nom dans le nom, ni du mangé dans le mangeant, ou du petit dans le grand, que ma femme espère.
Je lui parle des ancestralités gigognes, le lézard dans le geai, la musaraigne dans le marcassin, le poisson dans le serpent.
Elle répète qu’elle voit le ciel dans l’oiseau, l’arc-en-ciel dans le renard, qu’elle entend la plainte dans l’arbre et le rire dans l’herbe et que cela l’emplît car elle- même ne sait pas très bien ce qu’il y a en elle.
Je pense à toutes nos vies dans notre vie, à tous les morts dans les vivants et aux vivants dans le vivant. Je pense à ma femme dans ma vie.
Nous contournons le vaste champ, l’air est de plus en plus doux.
Dans ses cheveux, je discerne un vent d’inquiétude et sur ses mains, des années de lumière et de nuit; à sa cheville, la course d’un lièvre et sur sa joue, une plaie de fourrure.
Le silence nous rejoint. Sa marche me devance un peu. Alors je crois distinguer, au lieu de l’écharpe de laine verte et grise qui s’enroule autour de son cou, un long et large serpent recouvert, non d’écailles, mais de plumes aux mêmes teintes vertes et grises. Le mot boa me vient à l’esprit. Il correspond à la taille de l’animal mais non aux plumes légères et frivoles qui lui sont ordinairement associées ; ces dernières s’agencent parfaitement, comme chez n’importe quel oiseau.
Quelques pas plus loin, je vois le reptile se desserrer lentement puis se réinstaller plus confortablement sur les épaules de ma femme.
Sans se retourner, elle me tend la main pour que je me rapproche d’elle et nous poursuivons notre promenade tous les trois.
Hélène Lanscotte, Ma femme, cette animale, CHEYNE Éditeur , Collection Grands Fonds, La voix est libre, 2024, pp.9, 10.
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Photo:→ G.AdC
pas à pas
voué au reliquat
des paroles mortes
dans l’attente du signe, des signes
malgré la brûlure inépuisée
qui ricane
et nos corpuscules
du vivre
au rouvrir de la nuit
et si
nous nous étions tenus
en retrait, de ce qui prit feu
dans nos cœurs
à la faveur d’un baiser
un espoir
à la renverse
à quel vécu
aurions-nous cédé
peut-être
un grain de beauté
dans le pli
du drap peut-être
est écrit
et s’efface
elle dit
qu’il ne pleut pas
tapotis des gouttes derrière la vitre
→ Thierry Pérémarti, Un jour plus loin dans le jour, → Les Carnets du Dessert de Lune 2024, pp. 21, 22, 23.
Image: G.AdC
♦ SOMMAIRE DU MOIS DE FÉVRIER 2024 ♦
♦ Cartouche du N°229 de Terres de femmes / février 2024
Marilyne Bertoncini & Ghislaine Lejard | À fleur de bitume / Itinéraires urbains
Nicole Laurent-Catrice in Marie-Hélène Prouteau | 12 poètes contemporaines de Bretagne
Emmanuel Moses | Poèmes fantômes | Lecture d'Angèle Paoli
Valérie Canat de Chizy | La Langue des Oiseaux
Marilyne Bertoncini et Ghislaine Lejard | À fleur de bitume-Itinéraires urbain
Vignale, le jardin partagé | Les ricochets poétiques d'Angèle et de Marie T. | Lettre N° 21
Sophie Loizeau | Les Moines de la pluie | Lecture d'Angèle Paoli
Nicolas Pesquès | La face nord de Juliau dix-neuf
Sanda Voïca | L'ère de santé | Lecture d'Angèle Paoli
Yannick Haenel | Bleu Bacon
Marie Darrieussecq | Fabriquer une femme
Jérôme Sueur | Histoire Naturelle du Silence
Pierre Bergounioux | François
Sylvie-E. Saliceti | "LA GRENADE"
Friedrich Nietzsche | Six chants populaires serbes
Adeline Baldacchino | Ce que nous sommes lorsque nul ne nous voit
Romain Fustier | Terre-mer
Lydia Padellec | La Maison morcelée
Claire Gauzente | EXTRASYSTOLES
Michèle Finck | La voie du large | Lecture d’Angèle Paoli
Esther Tellermann | Nos racines se ressemblent
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♦ TdF sommaire du mois de janvier 2024 / ( N°228)
♦ Cartouche du sommaire du mois de janvier 2024 ( N° 228)