<<Poésie d'un jour
ÉCLIPSE DE MER
Comme si le fait d’écrire était une chose qui m’advînt
Fernando Pessoa
Que ne suis-je parcelle
du poème qui palpite
quand fougueuse éclaboussure
spirale de vagues convulsives
par l’effondrement
d’une voûte houleuse
le souffle des profondeurs
m’anéantit
moi l’insondable
*
L’écume impétueuse je propulse
les sables séditieux je déchaîne
l’infime goutte je projette
plus avant plus loin
jusqu’à dissoudre
soif de l’ailleurs
et jouissances des limites
*
Et de la terre et du ciel
et du ciel et de ce que je fus
moi la mer insondable
moi la mer immémoriale
avec le défi de l’éclipse
sur la vague vagabonde
*
Moi la mer entre deux terres
ne me suis-je engloutie
reformant les arches d’antan
pupilles stellaires
suspendues
en cette éclipse
qui instaure
peu à peu
vibratoire
le supplice du vide majuscule
*
Contre la scansion du néant
les pas vacillants du poème
dans la fureur du silence
les balbutiantes syllabes
de l’éclipse de mer
et leurs ardeurs d’envol
au creux vif de la vague
*
Quand le poète de l’instant
prenant le temps à deux mains
bouscule l’éternité meurtrie
chavire l’immensité dénudée
que ne suis-je parcelle
du poème qui palpite
murmure la mer
*
La mer entre deux terres
élancée soulevée précipitée
le temps du poème
pas de fracas étincelant
tout au plus
les embruns des mots
qui frêles parfois fulgurent
là dans la mer
entre deux terres
*
Serait-ce pour les relier en secret
retracer les arches incandescentes
d’une Atlantide du fond des âges
que ne suis-je parcelle
du mythe qui palpite
sous le souffle du poème
juste avant son éclipse
Muriel Stuckel, Fragments d’un livre d’artiste, avec des eaux-fortes de Liliane-Eve Brendel in Le Journal des Poètes 1. 2024, 93è année, Éditions Le Taillis Pré, pp. 60, 61, 62, 63.
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MURIEL STUCKEL
■ Muriel Stuckel
sur Terres de femmes ▼
→Petite Suite Rhénane | Kleine Rhein-Suite, éditions Philonar, 2016.
Traduction d’Eva-Maria Berg. Eaux-fortes de Liliane-Ève Brendel.
→Eurydice désormais, Voix d’Encre, 2011, page 34. Illustrations de Pierre-Marie Brisson (œuvres). Préface de Hédi Kaddour.
→ Dans la césure de tes poèmes (extrait de L’Insoupçonnée ou presque
→ [Demeure précaire] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
→ [Sous le pas d’une ombre vive] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
→ La poétique des failles chez Muriel Stuckel (Chronique d’Isabelle Raviolo)
→ [Ce n’est pas tant] (extrait d’Eurydice désormais)
→ Le risque de la poésie (autre extrait d’Eurydice désormais)
→ [Sous la courbe de la phrase] (extrait de Du ciel sur la paume)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) La poésie échappée
■ Notes de lecture de Muriel Stuckel
sur Terres de femmes ▼
→ Jacques Estager, Douceur
→ Gunvor Hofmo, Tout de la nuit est sans nom
→ Stéphane Sangral, Circonvolutions
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