<< Poésie d'un jour
Et puis s’en vont
Il alignait les clefs à remonter le temps
Celles des montres, des goussets
Et sur un air de gigue à deux temps
La clef des contes patinée de sang.
*
Quand se rompit le sceau de la nuit
Sur le manteau de mosaïque dure
Crut-il voir, sidérante et noire
La clef du royaume des cieux ?
Il s’évada par la porte des champs.
*
Codes, combinaisons.
Posséder. Jouir ?
L’anneau d’une clef abandonnée
Ses galbes ourlés
Comme refuges et nids d’oiseaux
-Arbre de vie ?
*
À belle allure filait le tramway
Comme félin des villes.
Aux fenêtres des hautes tours
Grisés par la vitesse
Se pressaient les reflets.
Dans leur cage de transit
Il interrogea les visages
Linottes de passage.
Pas un qui n’eût jeté sur les rails
Ses clefs de fer et de plastique.
La liberté traçait son histoire.
Agnès Ada, « Odes aux passages » in LA FILATURE, Poésie, éditions unicité 2020, pp. 24, 25.
Dans La Filature, le lecteur reconnaîtra la sensibilité et la recherche des précédents recueils d'Agnès Adda, sa capture au plus près de l'émotion, en détective de la beauté fugace, son lyrisme filé teinté d'ironie et d'autodérision (« Odes aux pas-sages », « L'Écume du retour »). Il retrouvera le dialogue amoureux, parfois irrévérencieux, qu'elle entretient avec les arts visuels (« L'oeuvre intime et traversante »). De la fantaisie de la poétesse, ce recueil offre une palette élargie : esthétique sèche des « Brèves de terre et d'eau », art de la controverse et du paradoxe.
Note de l'éditeur
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