<< Poésie d'un jour
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Je me souviens vous avoir parlé dans la blancheur de
cette nuit. Si loin et si près, la neige emportant ma voix
au-delà de la frontière invisible des sentiments. Saviez-vous
qu’à cet instant précis où le pressentiment devient certitude,
le temps s’interrompt comme une parenthèse qu’on ne peut
refermer. Celle de la révélation du silence de votre voix que
plus jamais je n’entendrai. De notre souffle qui peu à peu va
disparaître dans l’épaisseur de cette neige vierge de toute
humanité. Je me souviens alors vous avoir vue dans
l’épaisseur de la nuit. Vous avoir vue comme jamais je ne
vous avais vue. Je me souviens vous avoir vue dans le miroir
de la peur qui l’habitait. Celle de l’oubli.
Maintenant je vous vois. Je vous vois dans cette
chambre au fond d’un couloir. Je vous vois pour la
première fois. Je veux dire que je vous vois dans la vérité de
votre nudité. Abandonné Si loin déjà. Dépossédée de
cette singulière pudeur qui vous habitait. Je vois votre
corps. Votre corps qui, même décharné, bouscule encore
l’ordre des choses. Je vous vois dans l’éblouissement de la
réalité de votre identité.
De votre visage et de vos mains je ne garde que cette
blancheur translucide, cette transparence d’une finesse
irréelle. Le bleu pâle de vos yeux. Vos yeux qui rient. Qui
s’étonnent. Vos yeux que jamais je n’ai vu(s) pleurer.
Monique Lucchini, De votre absence, Éditions Musimot, Couverture et illustrations, Francine Copet, 2019, pp. 32, 33, 34.
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