<< Poésie d'un jour
"Je suis la somme de mes morts."
Photo : → G.AdC
L’obole
Mets l’obole dans la bouche du mort,
comme une hostie, comme une oublie.
Le cuivre et le sang ont le même goût,
le même prix pour passer.
Obole ce nom, comme deux lèvres
séparées à jamais.
Enlève les deux pièces sur les yeux clos.
Désormais le mort
regarde l’intérieur,
langue lourde, immobile.
Encore
Je suis la somme de mes morts.
Ils partent dans le trou ou dans le feu
mais il reste des squames de leur être.
Tous leurs gestes, tous leurs regards
ne disparaissent pas.
Je peux réviser la leçon des morts.
Marche un peu,
je me souviens de l’élan de ton pas.
Penche-toi sur la terre sombre,
ramasse cette pierre.
Quant à toi, je reprends ton souffle.
Vous ne vivez plus, non,
Mais vous êtes encore.
Cette île
Je rêve parfois d’un lieu sans arbres, sans
la plainte qui les traverse.
D’un lieu bas et chauve,
avec des rochers coupants qui affleurent.
Cris souterrains, consciences enfouies,
pas innombrables dans l’ignorance des corps.
Je rêve de cette île proche,
à ces paroles dont l’écho ricoche
jusque dans la mémoire des disparus.
Emmanuel Merle, Leurs langues sont des cendres, (le pays qui grandit), pp. 65,67,74
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