<< Poésie d'un jour
Ph: DR
Dans le rêve où tu arrives
tu es vent sec, petits filets
dans la poussière. L’espoir d’épanouissements.
Je ne cillais pas en te regardant.
Ton regard fixe telle une hache, ma gorge
d’écorce – un crépuscule charbonneux
tombe en fin de journée,
la forêt fume à cause de la sècheresse.
*
Je tamise le sable
assemblant des grains
arrachés aux alluvions
des plaines lessivées,
tandis que sa colonne vertébrale se penche,
la tortue se soulève, sa carapace
scindée sous la chaleur du soleil.
Je ramasse ce qu’il en reste,
monte en collier de coquillages
jusqu’à ce que les empreintes de pas, eux aussi,
se transforment en son.
*
Les trembles dans la forêt partagent le même
système racinaire. Le cœur
est un coquillage. Petit, blanc,
parfaitement rond.
Les mots ne sont pas des os.
Nous sommes ce qui vient avant les mots,
ce qui vient entre eux quand la lumière
change dans la forêt.
Sans quelque chose à retenir
aucune urgence
à raconter les histoires. Chaque feuille
sous le pied : une histoire de toi
Jennifer Elise Foerster, « II, Avant le réveil » in Leaving Tulsa, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Béatrice Machet, Æncrages &Co, 2024, pp.52,53,54
« Leaving Tulsa, traduit de l’anglais (États-Unis) par Béatrice Machet, est le premier recueil de Jennifer Elise Foerster, poète amérindienne et américaine. Il se présente comme une marche vers la mémoire, mémoire d´un peuple, mémoire d´une enfant qui rassemble les souvenirs épars d´une grand-mère d’origine amérindienne, Cosetta. Une jeune fille, Magdalena, quitte Tulsa, ville moyenne d’Oklahoma, et se dirige vers l’Ouest : elle traverse une nature émaillée de stigmates industriels dans laquelle il semble impossible de retrouver sa place. Là, tout ravive les souvenirs de son enfance, de l’errance de son peuple chassé par la colonisation. L’art du travelling poétique de Jennifer Elise Foerster nous emporte et nous déplace dans cette « aube effilochée », dans cet entre-deux monde, « Quelque part entre voulant être trouvée / et ne pas être trouvée ».
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