<<Poésie d'un jour
" je ne suis qu’un arbre à désirs"
Photographie : G.AdC
Alineación de los árboles
Hoy me alineo con los árboles, soy el último
de la fila, el rezagado, el guardián del equipo.
No ha llegado mi turno, no tengo prisa,
estoy de pie tejiendo más hondas mis raíces.
Los últimos seràn siempre los últimos,
los más resistentes a toda inclemencia,
los que crucen con su sol a cuestas
el desalmado siglo por el que avanzamos.
Desde mi posición veo la estrategia
de los árboles que ya van al frente,
muchos llevan como perros
el nombre colgado del cuello.
Yo extravié el mío. Soy simplemente un árbol
en la noche de piedra de las ciudades,
yo sólo soy un árbol de deseos
que persigue las sílabas errantes,
el resplandor del mundo,
el perfume salvaje de un cuerpo.
A veces salgo de la fila un instante, me asomo y lo veo :
allá lejos, adelante, desgajan ramas, cortan troncos,
síempre talan, hacen leña. ¿ A qué apurarse ?
A veces alguno deserta de la fila
y cruza al otro lado de la calle,
abandona su misión de árbol,
de la expulsión del tiempo quiere librarse.
Estoy en esta hilera innúmera de árboles,
voy detrás, soy el último, el recién llegado,
pero no voy a la sombra de ninguno,
otro sol conduce mi destino,
designa mi existencia del árbol.
El sol en fuga del deseo
llevándome muy lejos,
a una blanca región desnuda,
y me devuelve henchido y entero en verano,
al sitio del que no me he movido.
Alignement des arbres
Aujourd’hui je m’aligne avec les arbres, je suis le dernier
de la file, le retardataire, le gardien de l’équipe.
Ce n’est pas mon tour, je ne suis pas pressé,
je me tiens debout tissant en profondeur mes racines.
Les derniers seront toujours les derniers,
les plus résistants aux intempéries,
ceux qui leur soleil sur le dos traversent
le siècle sans âme dans lequel nous avançons.
De ma place je vois la stratégie
des arbres montant à l’avant,
nombreux sont ceux qui comme des chiens
portent leur nom accroché au cou.
J’ai perdu le mien. Je ne suis qu’un arbre
dans la nuit pierreuse des villes,
je ne suis qu’un arbre à désirs
poursuivant les syllabes errantes,
l’éclat du monde,
le parfum sauvage d’un corps.
Parfois je sors un instant du rang, je me penche et je vois :
là-bas au loin, tout devant, ils arrachent des branches,
coupent des troncs, scient encore, font du petit bois.
Pourquoi se dépêcher ?
Parfois, désertant la file, l’un d’eux
passe de l’autre côté de la rue,
et abandonne sa mission d’arbre :
à l’expulsion du temps il veut échapper.
Je suis dans cette innombrable rangée d’arbres,
à l’arrière, je suis le dernier, le nouveau venu,
mais aucun d’eux ne me fait d’ombre,
un autre soleil conduit mon destin,
désigne mon existence d’arbre.
Le soleil fuyant du désir
m’emmène très loin,
dans une région blanche et nue,
et me rend gonflé et entier en été,
à l’endroit d’où je n’ai pas bougé.
Audomaro Hidalgo, « Mathématique des pas » in Les desseins de l’intempérie, Traduit de l’espagnol (Mexique) par Gaëtane Muller Vasseur,
Collection traverse, Phloème’, 2023, pp.78,79, 80, 81.
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