Guillaume DREIDEMIE, Le Matin des Pierres
→ La rumeur libre éditions, 2024
Lecture de Michel Ménaché
Guillaume Dreidemie / Source photo
Dans Le Matin des pierres, son premier recueil, Guillaume Dreidemie cultive le minimalisme d’une poésie ludique qui recherche subtilement la complicité du lecteur, sollicitant son attention aux références culturelles livrées à demi-mot. Il passe d’une vraie ou fausse confidence grave atténuée par l’humour : « Ce matin ? / Corps perdu. / Simple présent / D’une blessure » à un autoportrait-fantôme nonsensique : « J’ai perdu mon refrain, / mon visage, / oh il n’avait pas d’âge, / ce n’était qu’un dessin. » Pince sans-rire, il confie : « Je ne la retiens pas, / je sais que je pars avec elle. »
Derrière la légèreté apparente, il décrit en quelques touches la nature dégradée, un monde qui se défait, la vie en lambeaux qui retourne à la froideur minérale : « Il n’y a plus de roses, détache des branches / les feuilles mortes. La chair empiète / sur le matin des pierres. » -Matin premier ? Matin dernier ?-. L’énigme annoncée dès le titre est livrée à l’appréciation du lecteur… L’auteur en philosophe, d’un aphorisme stoïcien nous invite à la mesure en toute chose, voire à l’essentiel : « On ne peut rien / Que tenter de guérir. »
Le recueil est composé en quatre parties. La troisième est intitulée « Vertèbres » et l’on verra que l’ensemble par là tient debout… Si le poète cerne la condition humaine par le menu, c’est à la manière noire d’un Cioran : « nous sommes des noyés accomplis / nous avons toute la grâce du chien trempé / nous avons même l’odeur ». Ou bien, avec la même comparaison : « dans la rue les gens nous confondent avec les chiens / pourtant nous avons de très beaux manteaux. » Héritier de Baudelaire, en écho à la « charogne infâme », ou au « chat mort » qui roulait à ses pieds, il établit des correspondances en récoltant « des vertèbres » en forêt, comme pour se rassurer lui-même, ou « un ami », d’avoir conservé les siennes ! De l’empreinte morbide à l’empathie, un rien de dandysme ne nuit ni à l’esprit, ni au poème…
La dernière partie, « Retour », renvoie d’abord à la fin mythique du philosophe Empédocle, banni, et qui se serait précipité dans l’Etna : « Une nuit de brume / Le sage s’est enfui / Est-ce sa sandale / Au bord de l’abîme ? » Quant aux dieux, le poète s’interroge : « Ils ne croient plus en nous ; / Qui d’eux ou de nous / A rompu le lien ? » -Vaste question ! -Ou superstition primitive à tout jamais sans réponse ? De l’arbre de vie à « l’arbre-monde » Guillaume Dreidemie file la métaphore, renouant telle l’araignée avec le thème originel, et prend en poète un engagement audacieux :
« Au moment où je retrouve le rivage,
Cet arbre
À l’ombre franche…
Sur cette misère de la pierre
Je rebâtirai
L’atelier du poème
Comme au seuil du Temple
Un nouveau jour… »
Essai prometteur d’un poète, « araignée miraculeuse », qui tisse finement sa toile…
Michel Ménaché pour Terres de Femmes
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Note de l'éditeur → la rumeur libre
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