" ... la dernière branche
de notre arbre généalogique... "
Photo : G.AdC
Toujours ne rime pas avec amour,
mais avec mort.
Je veille de loin sur ta dernière veille.
De loin, c’est comme rien.
Tu vas franchir le passage,
« seule et sale » disais-tu…
Allitérations, alitée ma mère,
malade de l’ultime maladie.
Je ne serai pas là pour soutenir ta main,
toi qui tenais la mienne pour mes premiers pas…
ta main momifiée vue sur les photos,
ta main devenue serre,
ta main murex,
doigts nacrés,
raidis avant le cadavre.
Née dans le ventre de ta mort,
je ne danse plus les mots,
souffle coupé à l’unisson du tien.
La fixité de ton visage me défigure.
Ta bouche grande ouverte ne laisse plus passer les mots.
Déchirés ta chair,
ton ventre et ma naissance.
Ô conque où ont résonné
les bulles de mes premières voyelles.
Ô la caverne soie de ce ventre
qui a abrité mon corps,
l’a porté jusqu’à la déchirure […]
Ton agonie…
Comme ça peut être long des points de suspension !
Ton temps suspendu,
aux soubresauts épileptiques.
Le mien aussi
qui se balance à la dernière branche
de notre arbre généalogique.
Chantal Dupuy-Dunier, « Laisse de mère » in Parenthèses, Vignette de couverture Isabelle Clément,
Les Écrits du Nord, Éditions Henry 2024, pp.74, 75, 76, 77, 79.
CHANTAL DUPUY-DUNIER
■ Chantal Dupuy-Dunier
sur Terres de femmes ▼
→ Amiens (extrait de Des villes parfois...)
→ [Traduire le dit des couleurs] (extrait de Cathédrale)
→ 25 octobre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
→ 7 novembre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
→ [La grande pluie tropicale] (extrait de C’est où Poezi ?)
→ Mille grues de papier (note de lecture d'AP)
→[Au milieu du dessin bleu] (poèmes extraits de Mille grues de papier)
→ Pluie et neige sur Cronce Miracle, Les Lieux Dits Éditions, Collection 2Rives, 2015, s.f. 11 encres de Michèle Dadolle.
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature]) une fiche bio-bibliographique sur Chantal Dupuy-Dunier
→ (sur Terre à ciel) une lecture de Pluie et neige sur Cronce Miracle de Chantal Dupuy-Dunier par Isabelle Lévesque
Texte puissant et poignant. Les mots qu'on ne prononce jamais au réel devant un corps maternel sinistré. Les mots qui touchent le chagrin sans gants de protection. Les mots justes et cruels de la séparation physique.
Rédigé par : Marie-Thérèse PEYRIN | 20 mars 2024 à 23:36