<< Poésie d'un jour
Image: G.AdC
Maudit soit l’ange qui lutte avec le vent comme s’il pouvait
l’emporter, d’un coup d’épaule le faire passer par-dessus bord,
et qui entraîne le ciel dans sa chute, dans son chavirement. Il
arrache sa chemise et pour se dégager des bras qui l’entourent,
Il renonce à la chaleur, à la lumière qui l’emplit de rage et de
terreur. Et la nuit aussitôt, elle roule avec lui sur l’esplanade,
tissu déchiré, tel un morceau de bravoure, bleu sanglant. Il
brandit le poing au ciel, à la lune masquée, déplacée par le coup
de vent, neige annoncée, nuit tombée. Maudit soit l’homme
qu’une main posée sur la main fait trembler et vaciller. Du
lutteur, le cuir lacéré de la tunique, les battements du cœur fêlé
de marbre, et s’engouffrant dans la faille, les pierres jetées, tout
le jour, toute la nuit démontée.
Quand les a-t-on vus pour la dernière fois ceux qu’un souffle
léger avait emporté ? Ceux qui avaient quitté la place, la
chambre en terrible désordre, linge remué et fouillé comme si
la terre avait tremblé et englouti le dernier et seul visage ?
Quand avaient-ils passé la porte, et disparu au coin de la rue en
remontant le col de leur manteau et pressant le pas pour que
s’efface l’empreinte, la trace des doigts qui un instant les
avaient retenus ? À quel moment avaient-ils frappé dans leurs
mains pour que s’envolent l’oiseau demeuré sur la branche du
saule ? À quel moment la frayeur bleue de la mésange ? À quel
moment avaient-ils marché sur l’esplanade comme au jardin
suspendu ? À quel moment avaient-ils paru voler et s’être
perdus entre ciel et océan ? Quand les avait-on appelés d’un
nom qui déjà n’était plus le leur ? Dans quelle chambre ? Au
seuil de quelle prison, en vue de quel désert des fleurs ?
Anita J. Laulla, Les anges ne sont pas des anges, L’Atelier de l’agneau 2023, pp.24,25.
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