Texte franco-norvégien | Traduction de Naïd Mubalegh
Angèle Paoli par → G.AdC
_________ Couleur-colère / Colère-couleur ________
Couleur-colère / Colère-couleur. Qu’est-ce qui, dans ton esprit, relie la colère à la couleur du temps ? Le temps est au sirocco. Un temps d’été et de désert. Une vision d’ergs et de sable qui obscurcit le ciel. Souffle retenu sous une chape de plomb. Tu es colère aujourd’hui. Et nous ne sommes qu’au début du mois de mars. Le ciel est à la course des nuages gris. La mer est forte, d’un tout autre gris. Un gris acier. Un gris coupant. Et déjà, avec cette tiédeur inhabituelle de l’air, le spectre de la sécheresse s’avance. Il fait chaud et marcher d’un bon pas sur la route ne sera bientôt plus possible. Il a pourtant plu ces jours-ci. Une pluie fine et bienfaisante, qui a mis le maquis au vert. Après des semaines d’une chaleur précoce, le froid s’est à nouveau abattu, couvrant de neige les cimes les plus proches. Torrents et cascades déboulent le long des pentes. L’eau coule à gros bouillons. D’où vient-elle ? On dit qu’elle vient du continent, par vases communicants sous la mer. Incrédule, tu n’imagines rien d’autre qu’une descente spontanée partie des sommets enneigés.
Et des sources qui roucoulent, ici et là, au milieu des buissons de cyste. Les sources alimentent les guadi qui s’enflent puis se jettent à la mer. Mais les truites fario, les jolies argentées, ont disparu depuis longtemps de tes rivières. Et pendant ce temps-là, la Garonne est quasi à sec et le Yangtsé, lunaire, se traverse à pied, entre des flaques-miroirs, larges vasques d’eau stagnante où se mirent les gratte-ciel. Et pendant ce temps-là, les canaux de Venise sont vides. Du jamais vu. Un disastro ! Una tragedia ! Et les gondoliers de godiller, désespérés, contre l’enlisement. Venise que l’on arpentait en février sur les planches, pieds bottés, va-t-elle périr engluée dans la boue ? La « Sérénissime » à sec, la « Salute » privée de ses eaux, le « Pont des Soupirs désemparé » ; son Carnaval à jamais flétri ! Venise destituée, n’existe plus que dans tes rêves. Et pendant ce temps-là, à l’autre bout du monde, les îles Fidji luttent contre la montée des eaux et l’ensevelissement de ses villages. Les cyclones succèdent aux cyclones. Les glissements de terrains achèvent d’emporter ce qui reste d’habitations. Les survivants se réfugient dans les grottes, loin du rivage. On emporte ce que l’on peut. Poules, canards et chèvres. Ustensiles de cuisine. De quoi faire cuire le riz. Mais les morts ! Va-t-on les abandonner dans ce carnage ? Certains songent à désensevelir leurs défunts et à les transporter sur les terres neuves. Certains s’en vont la mort dans l’âme, sans se retourner. D’autres préfèrent mourir sur place. Te revient en mémoire ce roman magnifique de Laurent Mauvignier. Autour du monde, l’histoire de quatorze destins différents, un jour de tsunami. Le tsunami de 2004 responsable de la catastrophe de Fukushima, qui avait fait tant de morts et de dépossédés. Et pendant ce temps-là, aux antipodes, d’autres se doraient sur leur yacht et vivaient au gré de leurs aventures romanesques. Tu avais été séduite par le talent de ce romancier capable de donner vie, d’un bout à l’autre de la terre, à des êtres aussi différents, exactement au même moment. Les uns plongés dans la tragédie, les autres dans l’insouciance ou le bonheur. Quel sens donner à ces injustices ? Comment accepter un tel hiatus ?
Les images de désastres se succèdent à un rythme effréné, les plus récentes éclipsant, d’un saut de clip, les précédentes. Les unes annoncent la sécheresse absolue, la déshydratation et la famine ; les autres des crues intempestives qui balayent tout sur leur passage. Elles arrivent de l’autre bout du monde, charriant leur lot de misère absolue. Elles arrivent aussi chez nous, ces crues convulsives, dans des régions que nous connaissons et que nous aimons. Dans le Var, en 2010, les crues de l’Argens ont emporté les oliveraies, noyant les habitations. Et au matin, la vision d’apocalypse. Sans révélation. Juste le réel. Tout un bric-à-brac d’objets inidentifiables, témoins d’une vie soudain anéantie. Et les corps méconnaissables, rejetés longtemps après, aux embouchures du torrent. Tout un voyage dans la violence. Une traversée sans visage. On ne peut rien contre l’eau qui se déchaîne. Rien non plus contre la nature qui se rebelle contre l’homme. Son orgueil irrespectueux, son incorrigible superbe.
Quelle est, dans ce désordre, la part de responsabilité des hommes ? Cette question t’obsède. Jadis, les anciens construisaient les villages sur des pitons rocheux inaccessibles. Jadis, les bandes côtières étaient réservées aux transhumances de l’estive. Jadis les anciens entretenaient les canalisations et les rigoles. L’eau de source était un don précieux, soumis à des règles précises de répartition et d’utilisation. Le bien commun de tous. Aujourd’hui, bassins, rigoles et canalisations ne sont plus entretenues comme il le faudrait. Les murs centenaires s’éboulent, les sources s’assèchent, les racines calcinées ne retiennent plus la terre. La terre glisse. Qui ne retient plus les murs. Jadis les anciens étaient sobres. Ils vivaient des produits de la terre et de la mer. Aujourd’hui, les marins se comptent sur les doigts de la main. La mer a été pillée. On ratisse les fonds marins, on exécute les espèces protégées avec des armes redoutables. On se sert sans penser à l’avenir. Après nous le déluge. Nul ne se souvient de Noé et personne ne viendra sauver la planète en péril. La Méditerranée d’Ulysse est toujours très belle. Mais elle s’est transformée en cimetière marin.
Où va l’eau des torrents bouillonnants ? Elle va droit à la mer. Rien n’est prévu pour la domestiquer tant soit peu ! Et si la sècheresse impose sa loi, il nous faudra bien nous résoudre à une sérieuse reconsidération de nos modes de vie. En attendant, l’île se couvre de béton. Le béton n’absorbe pas l’eau. Ni ne l’arrête. Mais les promoteurs immobiliers n’en ont cure, qui continuent de construire des habitations à fleur d’eau. D’une année sur l’autre, les vacanciers exigent des maisons proches de la plage. Si possible avec piscine. Avec la bénédiction du préfet, les piscines prolifèrent dans les villages. Dans le même temps, il est demandé aux autochtones de ne pas arroser les jardins. Où est la logique ? Où, la cohérence ? On nous dit que le temps n’est plus aux dépenses superflues. On nous dit que la « fin de l’abondance » est proche. Tu constates pourtant chaque jour d’étonnantes contradictions. Ainsi les yachts splendides continuent-ils de se balancer au gré de la brise en attendant l’été. Que dire de ces immeubles monstrueux qui longent les côtes et viennent narguer les sédentaires dans des ports où ils ont tout juste la place de se caser ? Pourquoi ces monstres ont-ils gain de cause lorsque les habitants des villes portuaires (Ajaccio, Marseille, Nice, Venise) suffoquent sous l’impact de leur présence ? Et quelle civilisation est celle qui propose des croisières au long cours énergivores sur ces paquebots où la pacotille, le leurre, l’illusion de la richesse et du confort sont rois ? À qui profite l’exploitation de tels bâtiments qui obstruent l’espace, encombrent les quais de leur masse et déversent leurs flots de passagers qui s’en vont errants dans les rues de la ville, obligeant les riverains à se calfeutrer derrière les persiennes closes ? Le navire vomit son trop plein de passagers puis le reprend et repart, pour d’autres escales tout aussi improductives et dérisoires. Est-ce cela désormais voyager autour du monde ?
La Méditerranée d’Ulysse est toujours très belle.
Et pendant ce temps-là, les catastrophes poursuivent leur marche. Ici, les récents séismes en Turquie et en Syrie, au bilan humain terrifiant. Ailleurs, des incendies gigantesques dévorent les forêts, détruisant ce qui est nécessaire à la survie humaine. Plus préoccupantes encore, les anomalies de températures jamais atteintes sur le globe. Enregistrées à la hausse ces derniers mois sur l’ensemble de la planète, ces températures sont alarmantes. Ainsi, le quotidien français Libération du mois de février 2023 s’inquiète, à la suite de l’observatoire du changement climatique Copernicus (C3S) de l’Union européenne, du réchauffement climatique enregistré dans l’Antarctique. La fonte anormale de la banquise entraîne des catastrophes en chaîne sur nombre de territoires. Il est désormais certain que plus aucune région du globe ne sera désormais épargnée par la fonte des glaces. Il semble que dans ce domaine nous ayons atteint un point de non-retour. En Corse, sur l’île soumise aux ravages causés par les incendies, on voit se propager sur les sols appauvris, des espèces invasives qui colonisent le maquis. Au détriment des espèces naturelles et nourricières comme l’olivier ou le châtaigner. La faune n’est pas épargnée non plus. De nouvelles espèces introduites par avions ou par bateaux constituent une réelle nuisance. Cette prolifération d’extravagances a de quoi nourrir les investigations des scientifiques à l’affût de nouvelles variétés de virus dont la propagation est accentuée par les déplacements au long cours, par la fonte du permafrost, par les cataclysmes qui bouleversent l’ordre naturel des choses. Par la mondialisation et ses méfaits. Que nul n’avait pourtant prévus. Les exemples sont multiples de ces dysfonctionnements de plus en plus graves dont un œil non exercé n’aperçoit pas la progression. Peut-on encore dire de ces catastrophes qu’elles sont vraiment naturelles ? Tu as le sentiment, pour ta part, que grande est la responsabilité de l’homme. Alors oui, tu es en colère. Et les raisons d’être en colère sont innombrables. Tu peux pester contre les bateaux qui vidangent l’été à proximité des plages. Contre les propriétaires qui empiètent sur le terrain communal pour élargir leur espace. Contre les touristes qui font leur vaisselle dans l’eau de mer parmi les baigneurs. Tu peux perdre patience lorsque tu vois une famille insouciante faire du feu alors qu’on est en vigilance rouge ! Tu es en colère quand tu sais que l’île absorbera cet été des millions de touristes et que les insulaires déploreront les dégâts commis ici et là par le surnombre et pas le non-respect des règles les plus simples. Comme chaque année reviendra la question épineuse de la gestion des détritus, non résolue à ce jour. Il faudrait envisager des quotas pour désengorger les villages. Mais…
Tu pourrais ne pas décolérer. Mais tu sais aussi qu’ailleurs d’autres se battent. Individuellement ou collectivement. Tu as appris récemment que le tout petit royaume himalayen du Bhoutan peut s’enorgueillir d’être le pays du monde au bilan carbone négatif. Parce qu’il plante dans ses montagnes des essences d’arbres capables d’absorber une grande quantité de carbone. Tu as appris récemment que certaines villes de France expérimentent un nouvel urbanisme, innovant et « résilient », qui intègre de vastes espaces verts susceptibles d’absorber les eaux des crues. Car en France, le réseau fluvial est particulièrement capricieux. Géographes, hydrographes, climatologues, ingénieurs des mines et des ponts – sont aux abois. Réussiront-ils à endiguer la prochaine crue centennale de la Seine ? Un véritable défi contre la montre est engagé, qui met tous les intervenants en état d’alerte. Paris est un immense gruyère qu’il faut protéger contre les débordements du réseau fluvial du Bassin parisien. Tu as appris qu’en Ligurie, l’entreprise Nemo’s Garden s’est lancée dans l’élaboration d’un jardin aquatique installé dans six biosphères. Que quarante espèces de plantes différentes ont déjà été cultivées avec succès dans ces bulles-serres sises à 6 mètres de profondeur et à cinquante mètres de la côte. Tous les espoirs de la future agriculture sous-marine sont permis. Gageons que l’avenir donnera raison à ces chercheurs d’un nouveau genre. Et que cette expérience originale suscitera de nombreuses autres vocations. Plutôt que la colère, choisis l’espoir. Tu choisis aujourd’hui de renouer avec la mémoire inconsciente qui lie l’homme à la Terre. Tu choisis la confiance dans le génie humain. Dans son inventivité et dans sa capacité à mobiliser ses talents lorsqu’un danger majeur, d’une puissance destructrice inexorable, menace la survie des Hommes. Il y a urgence. Urgence à réparer ce que nous avons dévasté et pillé. Urgence à renouer les liens qui étaient les nôtres avec la Terre. Urgence à inscrire l’humain et la Terre dans une même « symbiose dynamique ». Avec la Terre, vivante, au centre de notre toile. Tout un cheminement.
Fra vreden til håpet, en vandring
Vredefarge/Fargevrede. Hva er det i ditt hode som knytter vreden til tidens farger? Det er sjirokko i været. Et sommer- og ørkenvær. Synet av dyner og sand som formørker himmelen. Pust holdt inne under en blytung kappe. I dag er du vrede. Og vi har ikke kommet lenger enn begynnelsen av mars. Himmelen er viet de grå skyenes kappløp. Sjøen er høy, i en helt annen gråfarge. Stålgrå. En skarp, skjærende gråfarge. Og med denne uvanlige lunkenhet i luften er tørkets spøkelse allerede i anmarsj. Det er varmt, og det vil snart være umulig å bevege seg med rask gange på veien. Likevel har det regnet de siste dagene. Et tynt og velgjørende regn, som har fått maquisen til å grønnes. Etter uker med prematur varme, har kulden slått til på ny og belagt de nærmeste fjelltoppene med snø. Bekker og fosser strømmer langs bakkene. Vannet syder nedover. Hvor kommer det fra? Man sier at det kommer fra kontinentet, gjennom kommuniserende rør som løper under havet. Du står her, vantro, og kan ikke forestille deg annet enn en spontan nedstrøm fra de snødekte fjelltoppene. Og fra kilder som kurrer, her og der, i midten av Cistus-solrosebuskene. Kildene ernærer guadiene som svulmer opp før de kaster seg i havet. Men de vakre fario-ørrettene, de sølvfargede, er for lengst forsvunnet fra elvene dine. Og i mellomtiden er Garonne-elven nesten uttørket og den måneaktige elven Yangtsé kan krysses tørrskodd, mellom speilpytter, store kummer med bakevje som skyskraperne speiler seg i. Og i mellomtiden er kanalene i Venezia tomme. Helt uhørt. Un disastro! Una tragedia! Og gondolierene vrikker med åren i fortvilelse, imot nedsenkingen. Kommer Venezia, som vi i februar vandret gjennom på planker, med føttene i støvler, til å dø sammenklistret i gjørmen? «La Serenissima» helt uttørket, «la Salute» fratatt sitt vann, «den forfjetrede Sukkenes bru»; dens Karneval, vissent for alltid! Den styrtede Venezia finnes nå kun i drømmene dine. Og i mellomtiden, på andre siden av kloden, kjemper Fidji-øyene mot det stadig stigende vannet og mot landsbyenes nedgraving. Orkaner følges av orkaner. Jordras tar med seg de siste av stående boliger. De overlevende finner tilflukt i huller, langt fra kysten. De tar med seg alt de klarer. Høner, ender og geiter. Kjøkkenredskaper. Noe å koke ris med. Men de døde! Skal vi forlate dem i denne massakren? Noen tenker på å grave fram sine døde og frakte dem til en ny jord. Noen drar med døden i sjelen, uten å snu seg. Andre foretrekker å dø på stedet. Du husker Laurent Mauvigniers storslåtte roman. Jorden rundt (Autour du monde), fortellingen om fjorten ulike skjebner, en tsunami-dag. Det var tsunamien i 2004, den utløste katastrofen i Fukushima som drepte og etterlot så mange ribbet for alt. Og i mellomtiden solte andre seg, på den andre siden av kloden, på yachten sin og levde i tråd med sine romanaktige eventyr. Du hadde blitt forført av denne romanforfatterens talent som maktet å gi liv, fra klodens ene ende til den andre, til så forskjellige vesener, nøyaktig på samme tidspunkt. De ene nedsenket i en tragedie, de andre i bekymringsløshet og lykke. Hvilken mening gi til disse urettferdighetene? Hvordan akseptere en slik avgrunn?
Katastrofebilder følger etter hverandre i uhyrlig tempo, og de nyligste formørker, gjennom et klippehopp, de forrige. De ene forkynner absolutt tørke, dehydrering og hungersnød; de andre, utidsmessige flommer som feier vekk alt på sin vei. De kommer fra verdens andre ende og bærer med seg sin lodd av fullkommen elendighet. De kommer også til oss, disse krampaktige flommene, til områder vi kjenner godt og er glade i. I Var-kommunen tok Argens-flommene i 2010 olivenlundene og oversvømte boligene. Og på morgenen, det apokalyptiske synet. Uten åpenbaring. Bare virkeligheten. En heterogen haug med ubestemmelige gjenstander, som vitner om et livs plutselige tilintetgjørelse. Og de ugjenkjennelige likene, som lenge etter ble skilt ut ved bekkens munning. En hel ferd med vold som eneste selskap. En gjennomreise uten ansikt. Man er maktesløs mot vannet som raser. Og man kan ingenting gjøre mot naturen som gjør opprør mot mennesket. Dens respektløse hovmod, dens uforbederlige storhet.
Odysseus’ Middelhav er fortsatt uhyrlig vakkert.
Hva er menneskets andel i denne uordenen? Du er blitt besatt av dette spørsmålet. Før pleide våre eldre å bygge landsbyer på uoppnåelige fjellvegger. Før var kyststripene forbeholdt den store beitevandringen til setrene om sommeren. Før ble de eldre rørene og bekkene vedlikeholdte. Kildevann var en verdifull gave som var underkastet presise regler for fordeling og forbruk. Alles allmenne gode. I dag vedlikeholdes verken bassenger, bekker eller rør slik de skal. Hundreårige vegger raser sammen, kildene tørker ut, de utbrente røttene holder ikke igjen jorden. Jorden sklir. Som ikke lenger holder igjen veggene. Før var våre eldre sobre. De levde av jordens og havets produkter. I dag kan man telle ekte sjømenn på en hånd. Havet har blitt plyndret. Man raker i havets bunn, man henretter de beskyttede artene med nådeløse våpen. Man forsyner seg uten å tenke på framtiden. Etter oss kommer syndfloden. Ingen husker Noah og ingen kommer til å komme for å redde den dødstruede planeten. Odysseus’ Middelhav er fortsatt uhyrlig vakkert. Men det har forvandlet seg til en gravplass under vann.
Hvor strømmer de sydende bekkenes vann hen? Det drar rett til havet. Ingenting er lagt til rette for at det skal temmes, om enn så lite! Og tørken tvinger sin lov på oss, vi kommer nok til å måtte revurdere grundig våre levemåter. I mellomtiden dekkes øya der jeg bor til med betong. Betong absorberer ikke vannet. Stopper det heller ikke. Men eiendomsmeglerne bryr seg ikke, de fortsetter å bygge boliger rett ved vannet. Fra år til neste krever de ferierende hus som ligger nær stranden. Med svømmebasseng om mulig. Med kommunestyrerepresentantens velsignelse sprer svømmebassengene seg i landsbyene. Samtidig ber man de lokale innbyggerne om å ikke vanne hagene. Hvor er logikken? Hvor er koherensen? Vi blir fortalt at tiden ikke tillater overflødige utgifter lenger. Vi blir fortalt at «overflodens ende» er nær. Du legger dog hver dag merke til underlige motsigelser. De praktfulle yachtene fortsetter altså å svinge i vindens takt mens de venter på sommeren. Hva kan man si om de monstrøse boligblokkene som strekker seg langs kystlinjene og terger de fastboende i havner der de så vidt har plass? Hvorfor har disse monstrene forrang når havnebyenes beboere (Ajaccio, Marseille, Nice, Venezia) kveles under deres nærvær? Og hva for en sivilisasjon er det, som tilbyr lange, energietende cruiser på disse atlanterhavsskipene der juggel, bløff og illusjonen om rikdom og komfort hersker? Hvem tjener på utnyttelsen av slike bygninger som tetter synsfeltet, belaster kaiene med sin masse og spytter strømmer av passasjerer som går for å vanke i byens gater og tvinger de lokale til å låse seg inn i låste hus, bak lukkede persienner? Skipet spyr ut sin overbelastning med passasjerer før det tar dem inn igjen og reiser videre, til nye etapper som er like uproduktive og fattige. Er det slik det har blitt å reise verden rundt nå?
Og i mellomtiden går katastrofene sin gang. Her, de nylig inntrufne jordskjelvene i Tyrkia og i Syria, med forferdelige menneskelige tap. Der, uhyrlige brann som tærer opp skogene og ødelegger det som er nødvendig for menneskenes overlevelse. Enda mer bekymrende er temperaturanomaliene som aldri før har blitt nådd på kloden. Disse temperaturene, som i de siste månedene har blitt registrert i økning over hele planeten er alarmerende. Dette tilskyndet den franske avisen Libération til å uttrykke uro, i februar 2023, over oppvarmingen registrert i Antarktis av EUs observatorium for klimaendringene, Copernicus (C3S). Isens unormale nedsmelting utløser en rekke katastrofer på et utall territorier. Det er nå sikkert at ingen område på kloden kommer til å skånes av isens nedsmelting. Det finnes ingen vei tilbake. På Korsika, herjet av skogbrannene, ser man invaderende arter spre seg på den utarmede jorden og kolonisere maquisen. Til skade for naturlige og nærende arter som oliven- eller kastanjetreet. Heller ikke dyrelivet er skånet. Nye arter som er blitt innført med flyene eller båtene utgjør en reell skade. Denne proliferasjonen av ekstravaganser er i stand til å fôre undersøkelsene til forskere som er på jakt etter nye virustyper, hvis spredning forsterkes av langdistansereiser, permafrostens nedsmelting og katastrofene som skaker ved tingenes naturlige orden. Av globaliseringen og sine ugjerninger. Som ingen jo hadde forutsett. Eksempler på slike dysfunksjoner, stadig mer alvorlige, er mange. Likevel er det utrente øyet ikke i stand til å fornemme deres utvikling. Kan man fortsatt si om disse katastrofene at de virkelig er naturlige? Du føler, for din del, at menneskets ansvar er stort. Så du er vred, ja. Og grunnene til å være vred er utallige. Du kan forbanne båtene som tømmer seg i nærheten av strendene om sommeren. Eierne som tråkker på kommunale tomter for å utvide sitt privatrom. Turistene som vasker opp i havvannet blant baderne. Du kan miste tålmodighet når du ser en bekymringsløs familie tenne et bål når varselnivået er rødt! Du er vred når du vet at øya kommer til å absorbere millioner av turister denne sommeren, og at øyboerne kommer til å måtte sørge over skadene påført av overbefolkningen og fraværet av respekt for de mest elementære reglene. Hvert bidige år kommer også det vanskelige spørsmålet om håndteringen av avfall til å melde seg, som ennå ikke er løst. Man burde vurdere kvoter for å avsperre landsbyene. Men…
Du kunne vel ikke kvitte deg med vreden. Men du vet også at andre kjemper, på andre steder. Individuelt eller kollektivt. Du har nylig lært at det ørlille kongeriket Bhutan i Himalaya-fjellene kan skryte av å være det ene landet i verden med negativ karbonbalanse. Fordi dens befolkning i sine fjell planter trearter som evner å absorbere store mengder karbon. Du har nylig lært at noen byer i Frankrike eksperimenterer med en ny type urbanisme, som er både innovativ og «slitesterke», og som integrerer store grøntområder i stand til å absorbere flommenes vann. I Frankrike er elvesystemet særs lunefullt. Geografer, hydrografer, klimatologer, sivilingeniører – alle er på sin vakt. Kommer de til å lykkes med å demme opp Seine- elvens neste hundreårsflom? Et ekte kappløp mot klokken er i gang, som setter alle protagonistene i beredskap. Paris er en diger emmentaler vi må beskytte mot overløp i Parisbekkenets elvesystem. Du har lært at bedriften Nemo’s Garden i Liguria har begitt seg ut på utviklingen av en vannhage fordelt på seks biosfærer. At førti ulike plantearter allerede har blitt dyrket med suksess i disse drivhusboblene som sitter ved seks meters dybde, femti meter unna kysten. Alle forhåpningene knyttet til framtidens undervannslandbruk er tillatt. La oss vedde på at framtiden vil gi denne nye typen forskere rett. Og at dette banebrytende eksperimentet vil vekke mange flere kall. Velg håpet framfor vreden. I dag velger du å enda en gang å knytte deg til den ubevisste hukommelsen som forbinder mennesket til Jorden. Du velger tilliten til menneskets geni. Til oppfinnsomheten og evnen til å mobilisere sine talenter når en nært forestående og stor trussel, med ubønnhørlig ødeleggende makt, truer menneskenes overlevelse. Dette er en tilstand av nød. Nød til å reparere det vi har tilintetgjort og plyndret. Nød til igjen å knytte disse båndene, som har vært våre, til Jorden. Nød til å innskrive mennesket og Jorden i én og samme «dynamiske symbiose». Med Jorden, levende, i midten av vårt vev. En stor vandring.
Foto: Guidu Antonietti di Cinarca
Angèle Paoli er født i Bastia og bor på en landsby på Cap Corse, der hun er redaktør for det digitale tidsskriftet for poesi og litteraturkritikk Terres de femmes, som ble lansert i 2004. Hun har utgitt et tjuetall bøker og har bl.a. mottatt prisen Aristotle European Prize for French Poetic Criticism in 2013. Nyere utgivelser :
Italies Fabulae, fortellinger og noveller, Al Manar forlag, 2017. Etterord av Isabelle Lévesque
Corse, Angèle Paoli / David Hébert (tegninger), Carnets Nomades, Éditions des Vanneaux, 2018
Lauzes, med malerier av Guy-Paul Chauder, Al Manar forlag. Forord av Marie-Hélène Prouteau, 2020
Traverses, Cahiers du Loup bleu, Éditions Les Lieux-Dits, 2020
Le dernier rêve de Patinir, Éditions Henry, 2021
Marcher dans l’éphémère, Cahiers du Loup bleu, Éditions Les Lieux-Dits, 2022
Traductions :
Luigia Sorrentino, Figura d’acqua/Figure de l’eau, med akvareller av Caroline François-Rubino, Al Manar forlag, 2017
Luigia Sorrentino, Olimpia/Olympia, Al Manar forlag, 2019
I samarbeid med Sylvie Fabre G., Milo De Angelis, Rencontres et guet-apens, Cheyne Éditeur, 2019. Forord av Jean-Baptiste Para.
Photo Angèle Paoli
Naïd Mubalegh (f. 1989) er doktorgradsstipendiat ved Universitetet i Lisboa, Sorbonne og Universitetet i Oslo. Forskinga hennar fokuserer på påverknaden økonomiske teoriar har hatt på evolusjonsbiologien, og omvendt. Ho jobbar også som skribent og omsetjar av fag- og skjønnlitteratur.
Published with funding from the Fritt Ord Foundation
Andrei Kurkov / Ukraine. Ecological Apocalypse now
Om krigen midt i et mislykket oljeeventyr / Erling og Jonas Kittelsen
Hvorfor sprenge en oljerørledning? / Arne Johan Vetlesen
Ilden, vi varmer os ved, ilden, vi ødelægger med / Carsten Jensen
Russisk gass og greske guder / Espen Stueland
Si det ømt og skarpt / Freddy Fjellheim
Finding a way through the minefield / Michael E. Mann & Anders Dunker / En vei gjennom minefeltet
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