<< Poésie d'un jour
Peinture de → Christiane Bricka
Parfois je reste debout dans un coin
de ma promenade, sous la pluie verte d’un arbre
ou devant l’infini ouvert d’une plaine, écarquillé
par une présence dont je ne sais rien
et qui cherche à m’atteindre sous la peau.
J’attends qu’une autre fenêtre s’ouvre
dans mon désir. Qu’un petit carnet réchauffe
le tremblement de mes doigts engourdis
au fond de mes poches.
J’invente une vie dans le silence des jours
une vie minuscule, à peine audible
une vie inutile et radieuse.
Des phrases suintent des murs ou du plafond
de mon crâne. Des mots en forme de grenouille
ou de têtards. Des grappes gluantes
d’idées informes et de pensées imprononçables
s’enfuient des herbes remuées par le courant.
Mon souffle se colle aux nuages qui cachent
la lumière. Je lisse la pierre de lait de ma page
frissonner sous les mouvements du ciel
et cueillir les ombres venues s’y frotter.
J’ai appris ça dans l’enfance. Ne rien faire
attendre. Les murmures nous prennent
tôt ou tard dans leurs bras.
Mon corps a pris la forme de tout ce qu’il pensait.
De tout ce qu’il voyait. J’étais la carpe enlisée
dans la vase-ténèbres des profondeurs.
La mésange couchée sur ses petits
sous le couvercle d’une pompe à eau.
Le chien fou du voisin hurlant après les ombres.
Le vieil homme qui avait perdu ses clefs
obligé de dormir toute une nuit dans sa voiture.
L’enfant rouge et nu tétant sa mère aux seins gorgés d’amour.
L’arbre penché sur ses racines méditant, immobile
la patience du monde.
Dominique Sampiero, On écrit un poème pour embrasser, Cahiers du Loup bleu, dessin, Christiane Bricka, Les Lieux-Dits, 2023, pp.14,15,16.
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