<< Poésie d'un jour
Peinture de Jean-Pierre Otte → son site
La valse des lents vertiges
Souviens-toi de l’hiver
arrêté au-dessus des villes
tel un grand cygne silencieux et gris.
Nous étions en exil dans nos propres existences,
cherchant d’accéder à une sorte de présence
en respirant fort la fragrance des absinthes.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Il y a des galaxies
dans un grain de poussière,
une moraine dans le moindre mot,
et ce carreau cassé dans les herbes
reflète des images morcelées.
Nous voilà révélés en parties,
L’esprit pareillement, au diapason.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Au firmament infléchi en nous-mêmes,
apparaissent les étoiles en astérisques,
les constellations en circonvolutions lentes
dans l’opacité noire des paupières closes.
La morte -saison est à l’inventaire
des tares, des talents et des manques.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Le sommeil nous empaille sans bruit
pour la traversée des ténèbres,
préservant en nous les images fragiles,
celles-là dessinées dans les fleurs
de givre sur les fenêtres de l’aube à venir.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Au fond du jardin plongé dans l’ombre,
la grille n’ouvre plus le passage à personne.
La rouille a fixé sur elle des sanguines :
ce sont d’autres écritures et d’autres lectures.
Hiéroglyphes, alphabets et rébus,
l’hermétique récit des empreintes et des traces.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Au gré des vents coulis dans les arbres,
des parties éclairées retombent dans l’ombre
quand d’autres, estompées, se révèlent en surface.
Si l’on suit des yeux un oiseau en vol,
une part de soi est emportée dans sa course.
le grand dehors est autrement captivant.
Le vent est à l’est, la mère s’en est allée,
dans la valse des lents vertiges.
Jean-Pierre Otte in Europe, revue littéraire mensuelle, Janvier-février 2023, pp. 245, 246.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.