<< Éphéméride culturelle à rebours
Sam Szafran. Végétation dans l'atelier.
Aquarelle et pastel. 1980. 106,5 x 75 cm
Photo : Lala Joubert
19 novembre 1934 | Naissance de Sam Szafran
La grande exposition de l’Orangerie consacrée à Sam Szafran, me donne l’occasion d’ouvrir une page d’éphéméride. Sam Szafran, une découverte, entre révélation et fascination.
Plus connu sous le nom de Sam Szafran, Samuel Berger naît le 19 novembre 1934 à Paris, au numéro 154 de la rue Saint-Martin. Issu d’une famille de Juifs polonais installés en France, Szafran échappe de justesse à la rafle du Vélodrome d’Hiver, tandis que son père, Jakob Berger, emporté dans la rafle, mourra à Auschwitz. Mis à l’abri dans le Loiret puis dans l’Aveyron, Sam Szafran quitte la France avec sa mère et sa sœur pour rejoindre l’Australie.
Après quatre années passées à Melbourne chez un oncle maternel - de 1947 à 1951-, Sam Szafran, miné par le mal du pays, revient à Paris. Commence alors pour lui une vie difficile. Vivant souvent dans la rue, il exerce des « petits boulots », peu lucratifs et peu exaltants. La misère le guette jusqu’au moment de son inscription au cours de dessin de la ville de Paris (en 1953). Sa fréquentation de la Grande Chaumière, atelier du peintre Henri Goetz pousse tout naturellement Szafran vers l’abstraction lyrique qu’il abandonne pourtant dès 1958. De la même époque date son abandon de la peinture pour le dessin. Ainsi que celui de l’huile pour le fusain. La fréquentation des académies lui ouvre les portes de ceux qui vont devenir ses fréquentations et ses amis. Pour le meilleur -l’art-, mais aussi pour le pire -la drogue. Parmi les noms désormais célèbres figurent ceux de Nicolas de Staël, Jean Tinguely, Jean-Paul Riopelle, Yves Klein, Alberto Giacometti. Auquel vient s’ajouter celui d’Henri Cartier-Bresson, rencontré au Grand Palais à Paris, lors de l’exposition intitulée « 60-72. Douze ans d’art contemporain en France. »
Le galeriste Claude Bernard et le collectionneur, Jacques Kerchache, s’intéressent au travail obsessionnel de Sam Szafran et à ses variations. En 1965 Jacques Kerchache accueille la série des Rocking-Chairs. Dans le même temps, il inspire à son ami peintre la série des Portraits de Jacques, étranges portraits perdus sur une page blanche, parfois réduits à quelques traces exilées en marge de la feuille de papier. Il arrive cependant que l’espace soit investi par le corps dans son entier. En 1967 le poète libanais Fouad El-Etr, fondateur de la revue La Délirante, fait appel à Sam Szafran pour créer l’illustration du premier numéro de la revue. Laquelle accueillera les grands noms de la poésie. Rilke, Paz, Sappho, Bashô, Cioran, Jaccottet, Goethe…
Dans les années soixante-dix, Szafran s’éprend du pastel, médium complètement délaissé par ses contemporains. Le peintre dès lors se lance dans l’exploration des thèmes récurrents qui vont le hanter. La série des Ateliers ; celle, vertigineuse des Escaliers ; celle exubérante des Philodendrons. Ces lieux, plantes et objets, souvent des aquarelles de grands formats, tendus sur la soie, sont ancrés en profondeur dans la réalité quotidienne de Sam Szafran. Le capharnaüm des ateliers (Malakoff) et des imprimeries (l’imprimerie Bellini de la rue Saint-Denis, montée en 1972 par Sam Szafran), l’incroyable collection des pastels Roché, la silhouette de Lilette, sa femme, perdue dans les proliférations en vert et bleu des grands feuillages, font partie intégrante de sa vie. Et de son inépuisable inspiration, marquée à la fois par la passion de l’artiste pour l’architecture, les lignes contrariées, les contre-plongées inquiétantes, les points de rupture et les bifurcations qui obligent le regard à emprunter d’autres tangentes, et la sensualité tactile des innombrables pastels.
Le talent, l’inventivité de l’artiste, l’originalité de son regard ont contribué à la notoriété, aujourd’hui indiscutable, du peintre. En 1999, le mécène suisse, Leonardo Gianadda, grand admirateur de Szafran, a organisé à La Fondation Gianadda à Martigny (Suisse) une rétrospective des œuvres de son ami français.
L’exposition de l’Orangerie a privilégié les trois grands thèmes cités ci-dessus, qui font pénétrer le spectateur dans le monde à la fois étrange et angoissant de l’artiste. Un monde torturé et sombre, étouffant presque, mais étonnamment beau et fascinant.
Magicien des formes (même déformées par une illusion d’optique délirante) et des couleurs, Sam Szafran a gagné sa notoriété de haute lutte. Traversée par les tragédies – de l’Histoire à l’histoire intime – sa vie s’est construite autour de rencontres et d’amitiés, de reconnaissance et de soutiens.
L’exposition de l’Orangerie se termine en janvier 2023. À voir ou à revoir. Absolument. → Ici
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merci pour Sam Szafran!
Rédigé par : Nelcya Delanoë | 16 septembre 2024 à 17:39