<<Poésie d'un jour
Aquatinte: G.AdC
Tu es contagieux comme
le feu des coquelicots tra-
çant un chemin de contre-
bandier dans le sommeil
doré des blés.
Ressuscité par ton souffle,
mon cœur connaît une
fièvre à rendre jaloux les
feuillages des arbres, comme
si le temps n’était qu’une
brûlure de l’âme.
Tu traverses ma vie
comme un feu de forêt.
En me parlant, tu
enfonces un couteau de
soleil dans mon cœur, tu le
fais éclater comme un bou-
quet de roses.
Ton cœur brûle à l’inté-
rieur de ton silence, comme
une bougie à l’intérieur
d’une lanterne.
La pluie et la lumière se
battent comme des enfants
dans le ciel, et leurs épées
parfois heurtent ma fenêtre.
Ils veulent bien de ton
ciel, mais pas de tes éclairs.
moi je ne suis pas comme
eux : j’adore tes menaces.
J’ai un travail ruisselant à
faire avec toi…
Il suffirait d’avoir la
patience et la paix blonde
des grands champs de blé,
leur consentement aux
grâces mouvantes du vent
et des lumières.
Et que nos cœurs chaque
jour s’ouvrent à la fraîcheur
et à l’éclat des coquelicots.
À ces fragiles taches
rouges, à ces larmes de vie
que personne ne provoque
et qui viennent pourtant,
imprévisibles, au beau milieu
des champs, au beau milieu
des jours, de nos jours…
La mort nous purifie.
Quand nous mourons, tout
le mal que nous avons fait
s’évapore comme une buée.
Apparaissent alors toutes
les nervures de notre pauvre
vie, aussi clairement qu’une
feuille d’arbre traversée par
la lumière du soleil…
La mort, qui est du
temps, ne peut pas toucher
quelque chose qui n’est pas
du temps. Éternité des coquelicots…
Christian Bobin, Le Christ aux coquelicots, Éditions Lettres Vives 2002, Campu Magnu- 20213 Castellare -di -Casinca
♦ Voir aussi Christian Bobin sur Tdf:
− PIERRE
− La Dame blanche →Lecture d’Angèle Paoli
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