<<Poésie d'un jour
VOIX
Le cliquetis des syllabes s’insurge. Les mots vadrouillent dans l’air, s’élèvent en bulles douces, épaisses, acérées, percussives, et vont s’accumuler dans les interstices du silence. Lui drape les visages dans l’écoute, pèse de toute sa présence assourdissante. Froid, provocant, envoûtant. Il bouillonne de tout son être sans matière. Une voix y émerge, se fraie un chemin avec effort, lui donne corps. Une voix sculpte le silence.
Les vers s’écoulent, puis grincent et se précipitent, dans une cavalcade de sensations mal étouffées et de non-dits jetés dans un cri. Le frisson de cette voix asperge le temps. Elle s’est emparée de l’espace, on n’entend plus que le grand gong de sa pulsation.
Le dernier mot tombe, le mot juste. Il entraîne dans sa chute l’auditoire, le temps silencieux, toutes les couleurs qui en ont jailli et le long corps du poème, encore essoufflé. Chute vertigineuse.
Un visage s’esquisse entre les teintes des sons prononcés. Les serrures se désagrègent et ils apprennent à se voir. Dans le silence, l’autre est estompé. Dans le silence, les mots fracassent.
Elle l’aperçoit.
Éléa Hetzel, Poèmes in Miracle, Sarrazine n° 22, 2022, p.65
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.