<<Poésie d'un jour
Aquatinte de → G.AdC
" il ouvre la blessure "
loin des champs de bataille
le sang encore se fige
jailli de leurs tranchées
le couteau a passé
de main en main
de mot en mot
il a creusé profond
et d’une lèvre à l’autre
il ouvre la blessure
venue de loin si vieille
et toujours renaissant
elle a cinq ans de boucles blondes
et de caresses
un soir d’hiver
où il ne neigeait pas
simplement froid dessus
jusqu’à fendre les pierres
elle s’en souvient encore
elle a mal à son père
elle a froid à son père
il est parti si loin
il est parti partout
un soir d’hiver
où il ne neigeait pas
il est parti loin de la mère
il l’abandonne avec
la petite fille est seule
le couteau lui fait mal
ne sait où il se plante
elle ne sait d’où il vient
elle ne sait ce qu’il est
depuis longtemps il tranche
il fait des trous partout
de blessure en blessure
il fait ses ricochets
un soir d’hiver
où il ne neigeait pas
le couteau du grand-père
qu’elle n’avait jamais vu
un soir d’hiver
est venu le grand-père
un soir d’hiver
où il ne neigeait pas
c’est dans sa tête petite
que tombe alors la neige
un grand brouillard tout blanc
un soir d’hiver
où le couteau passa
tout ce brouillard en elle
ce cocon plein de blanc
ce cocon de silence
qui est assourdissant
Claudine Bohi, Un couteau dans la tête, Poème, Dessins de Magali Latil, L’herbe qui tremble,2022, pp.28, 29, 30, 31.
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