<<Poésie d'un jour
Encre de → Jean-Marc Barrier
Recto
la lumière sur toi
c’était imprévu c’était comme
un ballon qui tombe dans le jardin
sur l’herbe gelée-
je marchais pieds nus
j’étais loin déjà – belle je crois
j’avais les heures au ras du corps
une ceinture bleue
j’ai compté les secondes jusqu’à toi
je n’avais plus sommeil
j’ai lâché tous les oiseaux
d’un coup
et les peurs avalées par les peurs
vortex
j’ai retroussé mon pantalon
maintenant
tu tiens mes chevilles
ce sont des arbres
qui t’arriment
tu dis
retraverser le cri
ce zéro d’où recommence toujours le monde
j’ai pris la douleur par la main comme une petite sœur noire
et j’ai retourné son visage
marcher dans nos ombres
c’était rouge comme cueillir du sel en plein soleil
je l’ai fait
retraverser les gerçures
réouvrir mes phrases
fossile bleu – lac- cheveu
j’ai pensé : l’encore
est une barque à l’envers
le verso de fuir
voyons voir.
Je courage te laisse entrer et le vent
tu ouvres ta nuit sur mon dos
c’est une musique que je connais bien
je assiégée découpe le tissu noué
te reviens
j’oublie mon manteau mes clefs
et ça recommence
ton corps retourne au début.
Verso
le vent a mangé la porte
on cherche son vantail entre nos bras
la lumière coincée dessous
l’oscillation invisible des corps
la clef on la tient à la main
on la serre comme un oiseau
on a refermé les doigts, tous les doigts un à un
et tu as dit que c’était un peu comme mourir
mais deux fois
les gestes sortent encore mais à l’envers
je solide je si seule dans la maison avec toi
et c’est pluie compte double
je mets un imperméable
tu ne me pleus plus
sur le cœur
fini tout ça
tout le jour
lignes tendues traces déroutes
je tatoue des poissons par-dessus nos tentatives
je dessine des oiseaux aussi
partout
mon corps s’est replié
coquille
tu ne sais plus me défaire
je fais l’équilibre sur les mains ne cherche plus
à te plaire mais je regarde quand même si
en bas de l’escalier
je m’entends dire :
la lumière qui reste
emporte-la
j’aiguise les ombres qui nous séparent
je cherche le contraire de ton corps partout
maintenant
tu jettes nos allumettes une à une par la fenêtre
j’avale notre nuit
ses éclats bleus
et le soufre dans ma gorge
éclaire encore
ce couloir effondré entre ta bouche et ma bouche.
Coralie Poch, Tailler sa flèche, encres de Jean-Marc Barrier, La tête à l’envers 2022, pp.37, 38, 39, 40.
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