<<Poésie d'un jour
LE TEMPS DES MÉDUSES
Que sous mes chiffons se cache un œuf de
verre
Qu’au centre d’une main une obscurité
éclaire la lumière
Que je tresse une corde avec mes cheveux
au fond de la mort
Que certaines oreilles entendent les couloirs
qui séparent les pièces
Que les serrures grincent dans les femelles
de la nuit
Que le Grand lavoir ne lave que les portes
Que la nuit se recouvre d’un manteau
déchiré
Que tournent et se trouent de petites lunes
dans nos robes
Que les vents sont inachevés
Qu’ici les mûres boivent un sang bleu au
milieu des ruines
Que nous sommes le brouillon que le
temps a laissé en partant
Que sous les sabots des mulets on recueille
des traces de sel
Que nous sommes transparents dans les
trucs qui nous défoncent
Que dans un coquetier un coiffeur vide les
yeux qu’il a crevés
Qu’il fait saigner aussi un miroir avec un
peigne froid
Que nous tissons des nids d’hameçons
Que les lavoirs lavent les oiseaux un par un
Que les morts sont des bébés de verre et
parfois de ciment
Qu’ils remplacent les ampoules dans les
chambres
Que la nuit est à quatre pattes ou à quatre
mains
Que les méduses portent la mer dans des
civières de carton
Que j’ai déboutonné mon cerveau pour être
enfanté par une femme
Que nous venons de voir entrer sans frapper
un cadavre aux mains liées
Que la neige s’égoutte à travers un sommier
qui ne sert pas à dormir
Que les méduses meurent là où flottent aussi
un mort
Que des chats habitent parfois à l’intérieur
des chiens
Qu’une méduse ne trompe jamais la Voie
Lactée
Serge Pey & Richard Conte, Danse avec les bêtes, Tarabuste 2022.
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SERGE PEY
Ph. D.R.
Source
■ Serge Pey
sur Terres de femmes ▼
→ Le poème est une oreille (extrait de La Main et le Couteau)
■ Voir aussi ▼
→ le site officiel de Serge Pey
Commentaires
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