Patricio Sánchez-Rojas
Et pourquoi le chemin…
Y por qué el camino…
La rumeur libre éditions, 2021
Lecture Angèle Paoli
Ph: G.AdC
Connivences
Le poète Patricio Sanchez-Rojas répondra-t-il à la question qu’il pose dans le titre de ce recueil ? Et pourquoi le chemin... Y por qué el camino...
L’exergue qu’il emprunte à Charles Juliet ouvre une voix possible. Laquelle sera le poème lui-même. Il se dégage de la lecture des poèmes de Patricio Sanchez-Rojas, répartis sur plusieurs sections, une impression d’extrême simplicité et de sérénité extrême. Le sentiment persistant d’une évidence. Pourtant la forme même, dans sa concision, offre des images inattendues. Une étrange familiarité s’impose au fil du chemin de lecture. Difficile, dès lors, de dire cette simplicité, de l’effleurer par d’autres mots.
Le premier poème est une ouverture qui met en évidence par une équivalence claire ce qu’est le chemin. Le chemin de l’écriture est chemin de vie. Une phrase unique suffit à relier écriture et vie, indissociables l’un de l’autre.
Le chemin
est cette rivière
qui se déverse
chaque jour
entre les pages
de ta vie.
Omniprésent, le chemin qui s’ouvre est peuplé d’animaux de tous ordres. Terriens ou célestes, de grande taille ou minuscules. Hérisson, colibri, papillon, cheval, hibou, rouge-gorge. Scarabées et salamandres. Et tant d’autres encore. Les animaux, quelle que soit leur nature, sont proches. Ils sont doués d’imaginaire, à l’image des habitants humains. Il se fait comme une immense symbiose surgie de la lumière stellaire, tranquille et bienfaisante. Certains oiseaux, comme le colibri, assurent le lien entre les divers mondes qu’habite le poète. Lequel recherche, au-delà des êtres animés, tout ce qui autour de lui assure la cohésion entre les existences. De l’immense à l’intime, de l’intérieur vers l’extérieur. La nuit assemble. Les poèmes abritent. La nature et ses mystères, ses contradictions. Ce qui existe ou au contraire, n’existe pas. Mais la connaissance est dépassement de ce qui n’existe pas.
Qui dit chemin dit arbre. Qui dit arbre dit racines. Les racines sont profondes. Elles sont aussi célestes. Elles s’enfoncent loin dans la terre mais elles sinuent du côté de l’aurore et de la lumière. Peu importe le paradoxe. La poésie en fait son miel. Une fusion secrète rallie les choses et les êtres. De la porte à la main, de la serrure à l’hirondelle, des poissons aux libellules. Tout est dans tout. Rien ne sépare, rien ne disjoint un monde d’un autre. Tout est connivence. Comètes et animaux participent des émotions ordinaires. Dans une simplicité paisible dont il n'est pas aisé de rendre compte. C’est sans doute dans cette expression que se trouve la clé indicible du poète. Mystère d’une poésie inhabituelle, qui surprend par les mystérieuses évidences qu’elle énonce.
La forêt
est un œil
de moineau
lorsque tu la
traverses
en silence.
Une identité insolite s’établit en quelques vers, dans ces poèmes brefs, tissés en drapeau sur la page : de la neige à la comète, de la comète au guépard. Rapprochements inattendus et pourtant évidents sous la plume de Patricio Sánchez-Rojas. Qui drainent parfois avec eux des souvenirs du passé chilien.
Le chemin du temps est celui des saisons, du parcours silencieux des astres. Le chemin trace une itinérance, l’horloge rythme le temps. Tous deux, - horloge /chemin - accompagnent le poème dans ses déclinaisons. Le poète, observateur tranquille de ce qui s’offre ou se dérobe, tient l’imagination aux aguets. Une manière pour lui d’avancer au rebours du temps sans perdre trace de ce qui le fait exister. Et fait exister ceux et celles qui abordent à ses rives.
J’observe les astres
et leur démarche
de scarabée.
Une façon
de captiver le jour
à chaque
seconde.
Angèle Paoli / D.R. Texte angèlepaoli
***
Patricio Sánchez-Rojas / Et pourquoi le chemin… Y por qué el camino… La rumeur libre éditions
Voir aussi sur → Tdf
Commentaires