<<Poésie d'un jour
"Tuyau ça fait des plis "
Photo → G.AdC
C’est aussi une contrée faite de plantes
avec parfois des fleurs et des feuillages qui
sont comme déjà dans la raideur séchée
d’un vieil herbier ou bien dans la matière
plus douce des tapisseries laineuses ; par
exemple au premier plan cette bouillée de
fenouil que je saurai difficilement décrire :
un ensemble de tiges hautes avec à leur
extrémité moins verte l’ombelle plat de
leur floraison encore d’une couleur
d’herbe : dessus mais souvent comme
dedans il y a le mouvement va-et-vient fin
des guêpes et les taches lentes d’une sorte
de punaise à rayures rouges et noires :
un véritable monde agricole sans compter
les prolongements ( qualités et saveurs que
le fenouil peut donner ) repas et tisanes
qui rassemblent un peu le paysage vu en
marge de la touffe dont je parle jusque
dans la construction en grands blocs
pierreux de cette maison qui regarde les
collines avec dans l’eau de ses chambres
pavées de briques représentant des tuyaux
qu’on voit mal a priori quel rapport ils
pourraient entretenir avec la finesse
herbacée ou l’odeur du fenouil.
(Tuyau ça fait des plis (dessous le charbon
rouge) où bat le cœur pendant le ronronne-
ment du poêle à l’école on apprend quoi
geste avec les grands ça réchauffe ( chemise
un peu défaite) sous les pupitres ?)
(La comparaison qu’on peut faire entre un
tuyau et un cœur ça peut sembler saugrenu
quand même si on dit ce que contient le mot
cœur : une joue rouge un peu, l’impression
qu’un sourire c’est comme une obscénité
permise, avec surtout les vêtements comme
(caleçon, linges) quand l’étoffe ça tire – le
cœur pas bien comme un tuyau mais quand
même ça fait plaisir quand même que c’est
mal dit.)
Pas grand-chose à en dire tuy
au coupé ça tombe en poche quelle
Pesée remuée dans ce jambage
Dessous
On sait mal quoi peut-être
Un organe enfoui qu’on sait mal dire
Est-ce que dans les sentiers de ce paysage
un petit garçon s’en va s’en revient
de l’école à quoi joue-t-il dans la pente
herbue avec les collines qui bousculent
à travers le ciel bleu l’orientation de
quelques maisons seules j’entends que
même les oiseaux se taisent comme
soudain c’est grand avec l’école minuscule
et des jeux défendus dans le fond du
silence l’herbe qui pousse et les pierres
qui vont tomber ça fait comme la rumeur
sans fin de règles de grammaire et de
résumés d’histoire qu’on récite par cœur.
on est perdu en même temps c’est comme
si on était partout.
Tuyau comme un cœur ou comme
Un bord de tuile tuyau pour
Le sang la pluie
Pour un peu d’eau sale pour
Ça continue partout je mélange
De l’encre avec ce qu’on voit avec
N’importe quoi
Tuyau comme un cœur
C’est pas possible ou bien
Ça l’est parce que
Précisément ça veut rien dire
Pourtant ça me plaît bien tuyau
Comme un cœur
James Sacré, « Comme un tuyau (avec un paysage en regard) 1993 »,
À des dessins d’Yvon Vey en sa maison d’Avejan in Une rencontre continuée,
« Mais comment s’y prendre avec des épines ? »
Le Castor Astral Poche/Poésie 2022, pp.44, 45, 46, 47
JAMES SACRÉ Ph. © olivier roller Source James Sacré sur Terres de femmes → [Dans la pointe exiguë d’un pays qui est de la campagne] (extrait d’Écrire pour t’aimer) → Dans le format de la page (extrait de Le paysage est sans légende) → [Il y a le menhir] (extrait d’Et parier que dedans se donne aussi la beauté) → Figure 42 (poème extrait de Figures qui bougent un peu) → Le désir échappe à mon poème → Je t’aime. On n’entend rien → Parfois → James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde ■ Voir aussi ▼ → (sur remue.net) James Sacré/Un paradis de poussières (article de Jacques Josse) → (sur Loxias) une bio-bibliographie de James Sacré → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix) un article de James Sacré (« Une boulange de lyrisme critique »), texte paru dans la revue Le Nouveau Recueil (éditions Champ Vallon) → (sur Terres de femmes) | rouge | (Angèle Paoli) |
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