Martine-Gabrielle Konorski / Adesso, Lecture d'Angèle Paoli
Photo-collage G.AdC
Dans les traces vives de Pier Paolo Pasolini
Ce que nous offre Adesso, le dernier recueil de Martine Konorski, c’est un « étrange parcours dans le temps », à la fois familier, reconnaissable entre mille pour tout amoureux de l’Italie, attachant, et peut-être aussi, un brin nostalgique. Á peine. Cet « adesso » qui fixe l’instant présent comme le fait une photo, existe-t-il encore ? Perdurera-t-il dans le temps ? C’est le temps d’une Italie heureuse, une Italie du Sud antique, d’avant le temps moderne. Ses bruits et sa fureur. La passeggiata qu’effectue le promeneur-narrateur, un tout jeune homme sans doute, est « étourdie de lumière ». Une lumière blanche, gorgée d’effluves venus de la mer et des ruelles, mélange d’huile d’olive, de fritures alléchantes, de rires et de chansons, de poursuites et de baignades amoureuses. Une Italie aux gestes simples de toujours. C’est maintenant. Adesso. Qui tente d’inscrire les rencontres et les usages dans un temps éternel et qui pourtant, déjà, n’est plus.
« Savoir qu’on a été … heureux
Ne surprend pas. Et il est d’ailleurs si tard… »
écrit Pier Paolo Pasolini dans le sonnet 13, cité en exergue.
De cette « ballade italienne » qui longe la mer Ionienne, se perd dans les campagnes le long de la route des Sassi, puis bifurque dans le labyrinthe paléolithique de « Matera l’ensorceleuse », rendue célèbre par le film du poète frioulan Il Vangelo secondo Matteo, surgit un souvenir amoureux où fusent les rires et où se nouent les étreintes, une forme millénaire d’insouciance et de gaieté. Un savoir vivre qui toujours fascine. Adesso est cet ensemble de tableaux savoureux, recueillis par le promeneur qui déambule dans les terres abruptes des Pouilles, le long des plages habitées par les dieux. Du vieux poète Horace, il reste un souvenir adapté au goût du jour. Un « rocher géant » – un sasso - un « monstre de pierre » - que les amoureux escaladent en se poursuivant de leurs cris joyeux. Le regard du promeneur jamais ne pèse, transite d’une scène à l’autre, d’un relief à un autre, de rencontre en rencontre. Les récits, assez brefs, sont jalonnés d’expressions typiques qui ajoutent leur saveur à l’ensemble, leur couleur spécifique, leur parfum enivrant. Des voix se croisent, qui hèlent par-dessus les épaules, celui qu’elles cherchent à atteindre : « Signore, l’aspettiamo per limoncello. »
Martine-Gabrielle Konorski met ses pas dans les pas laissés par Pier Paolo Pasolini, à qui elle dédie ce recueil. Ainsi se glisse-t-elle dans les traces vives du maître à qui elle emprunte, en ouverture et en fermeture, ses citations. La longue route des sables lui montre avec bonheur la voie de ces proses poétiques qui constituent Adesso.
En poète sensible, elle livre ainsi au fil de l’écriture, lié à l’espace idyllique des Pouilles, un voyage dans le temps. Un retour dans l’Italie du Sud tant aimée, portée - pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et lectrices - par le regard attentif d’un narrateur complice.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Martine-Gabrielle Konorski / Adesso, Black Herald
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