<< Poésie d'un jour
J’aimerais, dis-tu après un long silence, que tu interviennes dans
mon installation des couloirs. Tu sais, le couloir en taille réelle
que les visiteurs devront traverser un à un, passer pour se diriger
vers une porte sombre avec des bribes de voix dures, et j’installe
les murs. J’aimerais dis-tu une seconde fois, que ta musique des
cavernes intervienne dans mon couloir.
Ton couloir avec les pas, le silence et le bruit de la porte a déjà sa
musique, insistai-je
Imposer ses mains,
sur les ombres terre-cuite en nous
et entendre comme ça remonte
Une hélice
ce qui se soulève
brève extase
Se dérober
un instant
Chanter comme un poème oublié,
une comptine trop longtemps tue
qu’on ne savait plus savoir
Lavés par le temps sappho
Descendre dans une grotte de sons
pas à pas le froid humide enserre le
Devenus félins dans la pénombre moite
le pied intelligent qui sait le schiste et où
les coudes ne se cognent
à la roche
Et deviner le chemin aux seuls sons étouffés ou pleins
Et la lourdeur de l’air sous les cils
la musique est ce qui bouge alors
sous la peau
La légère angoisse d’un corps en alerte
qui descend contre nature
pour éprouver à ses mains
l’espoir du b
On est tous là
avec nos coudes, nos pliures et nos excroissances
comme un canapé trop grand qui ne rentre pas dans la pièce
Ça passe par la porte ? Par la fenêtre ?
Agrandir la fenêtre aux normes ou mettre le canapé au rebut ?
Non, reconstruire les pièces autrement,
comme un rébus
Une musique garde en mémoire un chant dans la grotte qui refait
surface et alors, te dis-je, capter tous les murmures et les mots que
cela appelle, debout ou assis dans le noir, dans la salle, à même
le sol, ces mots que l’on profère alors, enregistrés et retravaillés
dans le même temps, comme une coupole de verre vibrante qui
se poserait, à chaque fois différente, sur la cavité, une grotte qui
se reconstruirait au jaillissement des mots, dont l’empreinte se
marque, vivante, une écume de mots enterrés vifs qu’on déterre et
entre une brise
Libre de dire, avant l’usage pétrifié
L’écume qui sauve la mer,
La signature de l’être
Laure Gauthier, « Les corps caverneux » in Les corps caverneux, Éditions LansKine, 2021, p.48,49, 50, 51
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L A U R E G A U T H I E R
■ Laure Gauthier
sur Terres de femmes ▼
→ Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
→ J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
→ Marche 1 [kaspar de pierre]
→ Kaspar de pierre (lecture d’AP)
→ kaspar de pierre (lecture d'Isabelle Lévesque)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site de Laure Gauthier) une fiche bio-bibliographique
→ (sur le site de Laure Gauthier) une fiche sur La Cité dolente
→ (sur Poesia, di Luigia Sorrentino) Laure Gauthier, “La Città dolente” (Nota dell’autrice)[en italien]
→ (sur Sitaudis) La Cité dolente de Laure Gauthier (lecture de Pascal Boulanger)
→ (sur remue.net) Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (extrait de Kaspar de pierre, éditions La lettre volée, à paraître en novembre 2017)
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