<<Poésie d'un jour
LA NAGE NUE
Au Sud-Ouest de Capri
nous avons trouvé une petite grotte
inconnue et déserte et nous
l’avons pénétrée tout entière
y délestant nos corps de toute
leur solitude.
L’ensemble des poissons en nous
s’était échappé pour une minute.
Les vrais poissons s’en moquaient.
Nous n’avions pas dérangé leur intimité.
Nous avons calmement glissé par-dessus
et par-dessous, en larguant
des bulles d’air, de petits
ballons blancs qui remontaient
flotter au soleil près du bateau
où le batelier italien dormait
son chapeau sur son visage.
L’eau était si claire que l’on pouvait
y lire un livre.
L’eau était si dense que l’on pouvait
y flotter sur les coudes.
Je m’y allonge comme sur un divan.
Je m’y allonge exactement comme
l’Odalisque à la culotte rouge de Matisse.
L’eau était ma fleur étrange.
Imaginez-vous une femme
sans toge ni foulard
sur un canapé aussi profond qu’une tombe.
Les parois de cette grotte
étaient de toutes les nuances de bleu
et tu as dit : « Regarde ! Tes yeux
sont couleur de la mer. Regarde ! tes yeux
sont couleur du ciel. » Et mes yeux
se sont fermés comme si
soudain ils avaient eu honte.
Anne Sexton, « Poèmes d’amour » in Tu vis tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969), Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh, Préface de Patricia Godi, des femmes Antoinette Fouque, 2022, pp. 337, 338.
THE NUDE SWIM
On the southwest of Capri
we found a little unknown grotto
where no people were and we
entered it completely
and let our bodies lose all
their loneliness.
All the fish in us
Had escaped for a minute.
The real fish did not mind.
We did not disturb their personal life.
We calmy trailed over them
and under them, shedding
air bubbles, little white
balloons that drifted up
into the sun by the boat
where the Italian boatman slept
with his hat over his face.
Water so clear you could
read a book through it.
Water so buoyant you could
float on your elbow.
I lay on it as on a divan.
I lay on it just like
Matisse’s Red Odalisque.
Water was my strange flower.
One must picture a woman
without a toga or a scarf
on a coach as deep as a tomb.
The walls of that grotto
were everycolor blue and
you said, « Look ! Your eyes
are seacolor. Look ! Your eyes
are skycolor. » And my eyes
shut down as if they were
suddenly ashamed.
Anne Sexton, "Love poems" in The Complete Poems, With a foreword by Maxine Kumin, A Mariner Book, Houghton Mifflin Company, Boston.New York, 1999, pp.183,184.
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■ Anne Sexton
sur Terres de femmes ▼
→ Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani... Due voci
■ Voir | écouter aussi ▼
→ (sur YouTube) Anne Sexton lisant le poème ci-dessus : « Her Kind », 1966 (The Poetry Center and American Poetry Archives at San Francisco State University)
→ (sur YouTube) Short clips of Anne Sexton reciting some poetry and excerpts from home movies
→ (sur YouTube) Anne Sexton at home - 1 (VOSE)
→ (sur YouTube) Anne Sexton at home - 2 (VOSE)
→ (sur Poetry Foundation) une page sur Anne Sexton
→ (sur anne-sexton.blogspot.fr) de nombreux poèmes (12) d'Anne Sexton (+ leur traduction en français par Michel Corne)
→ (sur le blog Quelques pages d’un autre livre ouvert) une bio-bibliographie (en français) d'Anne Sexton
→ (sur PoemHunter.com) Poems of Anne Sexton
→ (sur lyrikline blog) Readings to remember: Anne Sexton
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