Seul, avec le noir de nuit qui persiste dans
le jour. Seul, même avec, à côté, le
pied, la main, le visage, le partage du
silence, chaque objet dans son contour.
Seul avec la voix qui parle.
Le bruit sec que fait la tasse. C’est bien,
dit-il, c’est très bien. Et maintenant que
fait-on ? Du jour est tombé un voile gris.
Personne n’entend rien ni ne comprend rien
d’ailleurs. Il regarde, il ne voit pas.
Parfois il voit la lumière : elle vient sans qu’il
l’attende. Elle est là sur une feuille, sur le
sol ou sur les doigts. Il ne compte plus. Les
nombres se sont perdus. Il attend pro
nonce un mot – et l’oublie.
Il arrive au bout. Il va tourner la page, au
sens propre, au sens figuré aussi. Tour-
ner, oui. Un peu de vent pourrait l’aider.
La lumière tremblante, le bruit du sang
ou soudain, tout près, ce rire…
Jacques Ancet, Perdre les traces, La rumeur libre, 2021, pp.14,15,16,17
Très beau recueil chez nos amis de la Rumeur Libre. Et aussi celui ci : Voir venir Laisser dire de 2018. Quand on lit Jacques Ancet, point besoin de se demander ce qu'est un poète. Et on en trouve beaucoup , à portée de regard. Comme au temps de Zazieweb. Le numérique a fait exploser l'offre mais c'est aux lecteurs et lectrices comme toi de composer le bouquet du jour. Merci Anghula de reprendre le flambeau du site Terres de Femmes en souvenir de Yves Thomas ton compagnon.
[...]
Si on se tait, on épèle
ce qui vient. Il y a des mots
qui n'en sont pas. On écoute
leur bruit de salive froide.
On a un murmure au fond.
On écoute mieux. Des choses
quelque part bougent. Une sorte
d'appel qui n'en est pas un,
un cri qui attend son heure.
[...]
Quelque chos qui t'attend
pourtant. Comment l'expliquer ?
Comme un peu de soleil
très haut, là où les yeux
ne vont pas. Tu as vu
le vieux mur, le bord du toit,
la cour et le puits du ciel.
La nuit, une seule étoile
brillait, et son feu d'oubli.
p.68 et 77
Rédigé par : Marie-Thérèse Peyrin | 14 décembre 2021 à 20:20