je vais parler la langue des swifts
dans ce temps d’aphasie où je cherche un chemin entre les langues
les swifts s’élancent dans la vitesse des remuements
leurs cris absorbent l’air
leurs cris stridents sans voir
peut-être suis-je en train d’apprendre à parler
cette autre langue, on ne la perçoit qu’à l’écoute
elle a son bruit qui va loin
ralentit
rassemble
vient le moment où ce que l’on dit
ne peut revenir en arrière
-qu’il faut parler avec cette difficulté de parler-
je m’adresse au-dedans
à l’animal
qu’il me retourne mes lettres
(car je t’ai écrit souvent)
il existe une autre langue
que je ne parle pas
qui s’apprend
(je l’approche dans le vent)
je cherche une langue qui dise avoir ce qui n’est plus
quelque temps qui dise
je viens vers toi de toute façon
je vais parler la langue des swifts
leurs longs sifflets s’entrecroisent en filets
seul sillon à l’écoute
hauts fins filants
libres dans l’air
(mots) libres
simples vies à planer
insectes des hauteurs
car si une parole sort
un silence doit souffrir
-pas un martinet on dirait oublié –
un chant que l’on porte dans la gorge
qui tient chaud et fait peu de bruit
une langue que l’on partage sans savoir avec qui
sans vouloir
-et tout un été qui s’enfuit-
Camille Loivier, II. « La langue des swifts » in Swifts, Éditions] Isabelle Sauvage 2021, pp.40,41,42
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CAMILLE LOIVIER
© Michel Durigneux
Source
Voir aussi sur :
→ Terres de femmes
→ France Culture
→ la MÉL
→ la Semaine de la poésie
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