CARRÉ MUSIC
L’un ne lit que de la poésie crée des drôles d’outils de jardinage qu’il met ensuite dans des cadres carrés puis un autre est entré et a demandé de la poésie rien que de la poésie je viens de perdre ma mère il a acheté trois livres d’un coup l’oiseleur nous l’avions fait entrer dans ce paradis parce que le peintre et moi venions de perdre chacun notre mère presque en même temps et cet éden dont se pare le titre une sorte d’hommage à nos mères puissantes à leur goût d’ordonner nos vies tel le jardinier dans son potager ordonne les carrés selon qu’il y sème des salades des carottes et des choux gui et moi étions des enfants tant que nos mères étaient en vie elles sont comme ça ensuite nous avons grandi d’un seul coup comme les cèpes dont parle si éloquemment handke qui en une nuit triplent de volume car nous devenus grands si subitement que nos têtes se cognaient au ciel tandis que nous tentions de fuir notre chagrin alors nous avons voulu ce livre pour moins nous blesser aux arêtes des carrés que nous dessinions chacun à notre manière lui les couleurs moi les lettres crier nos Cicatrices tant est violent l’attachement maternel et plus grand encore peut-être l’arrachement filial délier défaire défier ce qui longtemps a constitué la base de l’édifice et se voir nu sans rien pour masquer la nudité de nos corps d’orphelins ceux qui se gaussent de nous savent-ils vivre comme des enfants sans mère motherless child chanson que mahalia jackson chantait sur le tourne-disque gris et rouge offert par ma mère pour ma communion solennelle à marseille arrivé chez nous (mon père avait-il joué un rôle dans cet achat) en un carton carré
Sylvie Durbec, Carrés, éditions Faï fioc, 2020, page 40.
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