LA NUIT D’AVRIL
Sur la ville vide flotte un crépuscule couleur de fumée
Tandis que monte de la terre une encre épaisse entre les herbes
Ainsi naît la nuit
Deux lèvres sombres se rejoignent pour avaler un paysage
Des cheminées de toits d’ardoise et d’arbres bientôt disparus
Dans le petit jardin carré où tombe aux épaules un vent refroidi
Seul le chat glissant sa soie entre mes jambes me confirme mon existence
Ni les parfums que prudemment les fleurs replient ni les yeux inutiles
N’offrent plus rien à percevoir
Qu’une longue haleine de cave
Il ne reste de vie que sur la peau un passage de givre
Le frémissement de la nuit d’avril
Et à la bouche l’amertume d’un soudain goût de sel
Avance heure obscure entre plus profondément dans les veines
Comme à la noyade une eau noire emplit peu à peu les poumons
Je ne ferai en rien obstacle à l’inondation
Déjà le grand buvard a bu les derniers îlots de pâleur
Mes mains de farine dévorées par l’ombre
À mon visage la nuit impose un long loup de velours
Quand le corps tout entier recouvert du drap noir aura cessé de vaciller
Quand se seront éteints les derniers restes d’être
Nous saurons ce qu’est le silence.
Olivier Barbarant, Un printemps divers in Contre-allées #42, revue de poésie contemporaine, été 2020, pp. 2-3.
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