décrire peindre écrire dépeindre désécrire
écrire m’a appris à peindre
faire des tableaux de peaux
avec de la toile tendue
sur mes os bat comme
un tambour l’éclosion
cardiaque de la couleur
ou la nature retrouvée
comme une sauterelle morte
dans un tableau de Van Gogh
il est plein
de n’être pas
signé
mon corps est-il
mon œuvre
aucune eau ne marque comme l’encre la peau
on la poésie mange
n’importe quoi
se met
de la mort jusqu’aux oreilles
les mots à présent sont
de trop sous la main
ne me manquent pas
peindre représente
la possibilité
de ne pas peindre
avec des mots
j’aime me passer
des mots ne marquent
pas ne ren
voient à rien
avoir autre chose dans le corps
que la langue pénible difficile
manque quand on la demande
mais les doigts tout de suite
à la poursuite du geste
qu’ont les arbres quand ils
s’échappent de leurs troncs
et qu’ils dansent là-haut
en lançant leurs antennes
se détachent sur fond
d’hommes jusqu’à percer
je m’écrie l’arbre
tient à la langue
par toutes ses racines
nous remâchons
de la viande de bois
à chaque repas
on me regarde
j’avale de travers
laisse mon poignet
suivre le fil
à tâtons
ma main peint
avec ma langue peint
à la main
je mélange des douleurs
ternes font crier les vives
la mort rougit la terre
le sexe en creux
Aurélie Foglia, « Saison III. Peindre avec la langue », Comment dépeindre, éditions Corti, Domaine français, 2020, pp. 74-81.
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