Source FEMME NOIRE Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté ! J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux. Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi, je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle. Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui grondes sous les doigts du vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée. Femme nue, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelles aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire À l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux. Femme nue, femme noire Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie. Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, Éditions du Seuil, Collection Pierres Vives, 1945 in Œuvre poétique, Éditions du Seuil, Collection Points Poésie, 2006, pp. 18-19. |
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR Source ■ Voir | écouter aussi ▼ → (sur espacefrancais.com) une page sur Léopold Sédar Senghor → une fiche pédagogique sur le poème “Femme noire” → (sur YouTube) le poème “Femme noire” lu par Léopold Sédar Senghor |
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