À LA POÉSIE
Je voulais t’invoquer, poésie, mais j’ai pris peur
Tu errais au milieu des ruines, entre les murs des palais écroulés,
sous les orbites vides des cathédrales,
blessant tes pieds nus aux bris des légendes et aux désastres
de l’histoire
Comme moi tu cherchais la rime disparue de cime
Je t’ai retrouvée plus tard parmi les vestiges d’un quai,
au bord de l’horizon
Un poète marchant à tes côtés rêvait de laves, d’incendies
illuminant les fleuves au cours impassible
de métropoles fabuleuses :
Ce sont des villes, clamait-il
Entre tes cils les lendemains clignaient mais tu ne savais
comment
les devancer ou les conjurer
Ton désespoir ne semblait s’apaiser qu’aux cris dans la reverdie
des branches
Ne pleure pas les dieux, ne te lamente pas sur les hommes
Toi seule as la garde des mondes et détiens le secret de nos vies
Claire Malroux, « Quelques intemporels », Météo Miroir, poèmes, éditions Le Bruit du temps, 2020, page 94.
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