[LE SOLEIL SE RAPPROCHAIT]
Le soleil se rapprochait rapidement de la ligne d’horizon, et il lui sembla qu’il était temps de chercher un endroit pour la nuit. Elle regagna le bois pour y trouver la protection des arbres. Les rayons du soleil se frayaient maintenant un chemin le long des troncs, juste à sa hauteur. Elle marcha assez longtemps. La pénombre grandissait. Les troncs semblaient peu à peu se fondre les uns dans les autres, et comme s’abstraire alors qu’elle flottait parmi eux. Elle arriva à une clairière au milieu de laquelle une cabane en pierre avait sa porte grande ouverte. Elle s’en approcha et appela : « Il y a quelqu’un ? » Personne ne répondit. Sans franchir le seuil, elle se pencha pour voir à l’intérieur. Il y avait là, dans l’obscurité, une petite table et une chaise ; dans un coin, par terre, un matelas et deux couvertures pliées ; dans un autre coin, fixé au mur, un placard. Quelqu’un vivait ici, qui ne devait pas être loin, car elle distinguait dans l’ombre, sur la table, la blancheur d’une pile de feuilles de papier, et la forme d’une lampe à pétrole dont le verre arrivait encore à réfléchir une sourde lueur tombée de la fenêtre.
Craignant d’être surprise par l’habitant de la cabane, elle retourna rapidement vers la lisière du bois, où un léger creux tapissé d’une belle herbe grasse lui parut pouvoir servir de lit. Elle sortit de son sac son manteau et un pull, enfila le pull et disposa le manteau sur l’herbe. La nuit était là, silencieuse. La masse noire des arbres encerclait le ciel marine où des étoiles, telles des invitées, faisaient leur apparition les unes après les autres. Elle regarda un temps le ciel s’étoiler, puis elle dut s’endormir.
Réveillée aux premières clartés du jour, elle fut surprise de trouver sur elle une couverture. Elle crut la reconnaître et sourit, pensant que ce ne pouvait être que lui, l’habitant de la cabane. Lui, qui était venu la couvrir dans son sommeil ; lui, dont elle avait senti la présence toute la nuit. Elle retourna cette impression dans son esprit jusqu’à en avoir une idée satisfaisante. Oui, cette attention ne pouvait venir que de lui ; et la silhouette de la veille, c’était donc bien lui. Elle n’avait pas rêvé. Elle resta un moment à caresser la couverture tout en caressant cette douce pensée. Puis elle se leva et se dirigea vers la cabane. Elle frappa à la porte qui était encore grande ouverte.
Livane Pinet, Les Pierres filantes, chapitre I, L’Atelier contemporain | François-Marie Deyrolle éditeur, 2020, pp. 12-13.
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