[LE TEMPS AVAIT PASSÉ]
Le temps avait passé. La peau aurait pu se friper comme l’azur. Et sans doute l’air était-il pour quelque temps encore comme empreint d’une épaisseur qui l’empêchait de respirer. Mais il était parvenu au lieu d’herbe. Ou plutôt au rocher de l’enfance, là où lui avait poussé la colonne d’air. Là où l’impulsion première, il s’en souvenait, lui avait rendu la liberté. Depuis, l’errance avait été sa loi, ou plutôt comme une nécessité selon laquelle son œil s’attachait à chaque fois à ce qui précédait sa vision. Il était devenu l’aigle de son enfance, l’aigle au collier de perles. Son vol dominait, d’une beauté, d’une majesté sans pareilles, l’espace ouvert d’un désert au-dessous. Le vent sifflait et soufflait sous ses ailes. Il changeait d’altitude selon sa puissance, sa chaleur, le bruit tumultueux ou doux qui le menait toujours plus loin. Ainsi porté par une forme de pureté et d’innocence, il écartait la possibilité d’une elle. Il connaissait maintenant l’ordre des particules, la poussière sous le soleil, le mouvement elliptique de la mémoire et l’incroyable fleuve du temps où jamais plus un corps ne tomberait.
Régis Lefort, Il, et sa nuit, I, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2020, page 23.
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