INVISIBLE PROTÉE
(extrait)
Jour après jour le jour s’absente, nous laisse
dans une double nuit
d’où nous pourrions ne jamais revenir
ni savoir si nous serons où nous étions, sans le fanal
qui dans l’espace envahi d’épisodes clandestins
nous guide, et tels qu’en nous-mêmes nous réveille
C’est que malgré les fleurs et les couronnes
que sur son lit nous empilons
le temps est à notre image, quelque chose de nu, sans gloire,
traversant notre sommeil en fleuve aveugle
vers nulle mer, comme nous-mêmes, étourdiment,
dévalons la pente de la vie
Le temps au miroir du marais s’arrête,
sourd aux bruits d’alarme, râles de l’herbe tranchée
par les vaches en exil entre les bras d’eau,
plongeons de rats musqués, lourds envols de grues,
grincement sur le sentier de monstres mécaniques
montrant les dents au promeneur échappé du piège
des ronces, orties, chardons, bouses d’autres saisons
Quadrilatères de l’angoisse, humides mouchoirs
dans l’immense main bleue, ras de terre
ramenant de tous côtés de l’horizon à la terre
Seul le tintinnabulement d’une haie de saules
brise par intervalles l’enchantement immobile
un son d’aucun monde comme l’envers du vent
Claire Malroux, « Invisible Protée », Météo Miroir, éditions Le Bruit du temps, 2020, pp. 57-58.
|
Retour au répertoire du numéro de mars 2020
Retour à l’ index des auteurs
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.