COMPRENDRE LA POÉSIE
(extrait)
Dans quelle « île » peut-on apercevoir la beauté, par quelle fente du ciel ? Dans le fond d’une grotte ou au sommet d’une montagne-vigie ? Peut-être dans l’eau qui la cerne, bleue, verte, changeante – et transparente quand je m’approche, quand j’essaie de la saisir entre mes mains ? Peut-être dans le reflet de la lumière sur une épaule inconnue ? Alors que la beauté est comme. Le ciel, le secret de la grotte, la transparence de l’eau, le désir que fait naître la peau. Le beau serait-il donc ce qui retient le temps dans la forme, contre la pourriture, contre la corruption ? Quand Milan Kundera écrit que « la laideur s’empare du monde », il ne pointe en fait qu’une réalité sociologique, un effet – dont la cause demeure le désir de beauté que manifeste en creux une telle phrase. La beauté nous est nécessaire, résistance à la putréfaction, expression d’une sorte de chœur au fond de nous, au fond de la langue, résurgence face à la violence illimitée du monde et à la dégradation de plus en plus grande de nos destins misérables ? Ou n’est-elle qu’une immanence à découvrir, à interroger – puisqu’elle ne nous appartient pas, jamais ? Ou bien encore n’existe-t-elle que dans la célébration, la poésie, l’art, la musique ?
Alain Duault, « Comprendre la poésie », La Poésie, le ciel, Petite méditation lyrique, éditions Gallimard, Hors série Littérature, 2020, page 78.
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