Le 27 mars 2012 meurt à Santa Cruz (Californie) la poète américaine Adrienne Rich.
Née à Baltimore, dans le Maryland, le 16 mai 1929, Adrienne Rich est la fille de la compositrice et pianiste Helen Elizabeth Rich et d’Arnold Rich, médecin légiste et professeur de médecine. Adrienne Rich est issue d’un mariage mixte : d’un père juif d’origine austro-hongroise et d’une mère élevée dans le culte protestant.
Encouragée par son père dans sa vocation d’écrivain, Adrienne Rich publie son premier recueil, A Change of World, en 1951, l’année même de l’obtention de sa licence (Bachelor of Arts). En 1953, lors d’un voyage à Florence, la jeune poète découvre qu’elle souffre d’une polyarthrite rhumatoïde.
La même année 1953, de retour aux États-Unis, Adrienne Rich épouse l’économiste Alfred H. Conrad, qui sera le père de ses trois enfants. Ensemble ils luttent contre l’injustice sociale, pour la défense des droits civiques et pour les droits des femmes. En 1966, le couple s’installe à New York. À l’Université de Columbia, où elle enseigne la poésie, Adrienne Rich va plus avant dans ses engagements. Le couple se sépare. En 1970, Alfred Conrad met fin à ses jours.
En 1976 commence une nouvelle vie pour Adrienne Rich. Elle vit aux côtés de la romancière et éditrice Michelle Cliff, d’origine jamaïcaine. La même année, Adrienne Rich publie Twenty-One Love Poems. Ensemble les deux amantes dirigent un journal littéraire et artistique lesbien dans lequel publie Adrienne Rich. Dans ses articles, l’essayiste aborde ses thèmes de prédilection : le pacifisme, la maternité, le racisme, la violence exercée à l’encontre des femmes, le féminisme, l’homosexualité… La poète vit à Santa Cruz (Californie) avec sa compagne jusqu’à sa mort.
« [L]a poésie [d’Adrienne Rich] conserve l’empreinte de son cheminement personnel et politique. Ses poèmes sont, à ses débuts, composés suivant une technique de montage cinématographique, puis sa voix s’affermit, soutenue par sa détermination à « agir d’emblée et ouvertement comme une femme ayant un corps de femme et une expérience de femme. » (Chantal Bizzini)
« Adrienne Rich parle pour tous ceux qui n’ont pas la parole, par le témoignage ou par la fable ; elle rappelle ce qui a été oublié, réinvente la vie des femmes et des hommes là où leur trace a été effacée. » (Chantal Bizzini)
HERE IS A MAP OF OUR COUNTRY
Here is a map of our country :
here is the Sea of Indifference, glazed with salt
This is the haunted river flowing from brow to groin
we dare not taste its water
This is the desert where missiles are planted like corms
This is the breadbasket of foreclosed farms
This is the birthplace of the rockabilly boy
This is the cemetery of the poor
who died for democracy This is a battlefield
from a nineteenth-century war the shrine is famous
This is the sea-town of nymph and story when the fishing fleets
went bankrupt here is where the jobs are on the pier
processing frozen fishsticks hourly wages and no shares
These are other battlefields Centralia Detroit
here are the forests primeval the copper the silver lodes
These are the suburbs of acquiescence silence rising fumelike
from the streets
This is the capital of money and dolor whose spires
flare up through air inversions whose bridges are crumbling
whose children are drifting blind alleys pent
between coiled rolls of razor wire
I promised to show you a map you say but this is a mural
then yes it it be these are small distinctions
where do we see it from is the question
Adrienne Rich, An Atlas of the Difficult World: Poems, 1988-1991, W.W. Norton, New York City (NY), 1991, page 6.
[VOICI UNE CARTE DE NOTRE PAYS]
Voici une carte de notre pays :
voici la Mer de l’Indifférence, glacée de sel,
C’est la rivière hantée, coulant des sourcils à l’aine,
nous n’osons pas goûter son eau,
C’est le désert, où des missiles sont plantés comme des bulbes,
C’est le grenier à blé des fermes hypothéquées,
C’est le lieu de naissance du rockabilly boy,
C’est le cimetière des pauvres
qui sont morts pour la démocratie C’est le champ de bataille
d’une guerre du dix-neuvième siècle, la chapelle en est célèbre,
C’est la ville balnéaire du mythe et de l’histoire, quand les flottes de pêcheurs
ont fait faillite, c’est ici qu’il y avait du travail, sur le quai,
on traitait des bâtonnets de poisson congelés, salaires journaliers, sans intéressement,
Voici d’autres champs de bataille, Centralia, Detroit,
là sont les forêts vierges, le cuivre, les gisements d’argent,
Voici les banlieues de l’acquiescement, le silence monte des rues,
comme une fumée,
Voici la capitale de l’argent et de la douleur dont les tours
s’enflamment sous les courants inverses de l’air, dont les ponts s’effritent,
dont les enfants flânent dans des voies sans issue, confinés
entre les spirales de fils barbelés
j’ai promis de te montrer une carte, dis-tu, mais c’est une fresque,
eh bien oui, il y a quelques petites nuances,
savoir d’où l’on regarde, c’est la question.
Adrienne Rich, Un atlas du monde difficile in Paroles d’un monde difficile, Poèmes 1988-2004, éditions La rumeur libre, Série mεtaphrasi | Domaine américain, 2019, page 32. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Chantal Bizzini.
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