[ON NE PENSE PAS AU PRÉSENT]
on ne pense pas au présent
au train qui lie la ville
et nous lie
nous
à l’inconnu en chair et en os qui nous côtoie
et nous
à nous-mêmes
on vit ailleurs dans nos paroles
on a nos liens
on se retrouve par-delà les murs
ou par-delà les ruines
on se parle la langue
momentanément
la distance n’existe plus
l’éloignement
l’exil
la prison
on tente d’appréhender le passé
pour étayer le présent
envisager peut-être
un futur
les barres défilent tristement
des lignes sombres cinglent l’espace urbain derrière la vitre
lignes de fuite
on glisse sur nos phrases
pieds-nus dans un lavis ruisselant
les montagnes s’effacent
les hauteurs perdent leurs têtes
des litres de brume pèsent sur les barres
seule notre voix
transperce ce qui nous ceint
Élisabeth Chabuel, Les Passagers, Voix d’encre, 2019, s.f. Aquarelles d’Emmanuel Mergault.
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