Maurice Benhamou (1929-2019) dans l’atelier de Charles Pollock. Ph. DR : Galerie ETC (28, rue Saint-Claude 75003 Paris) Source RETOURNEMENT DU CHANT (extrait) Tréfonds du temps et autres poèmes de Maurice Benhamou [éditions Unes, 2013] Les mots bien sûr ne peuvent suffire au corps, à l’âme errant entre l’impermanence des choses, la fragilité des êtres et la constance des horreurs. Folie, détresse sont les épines affilées de la poésie, il y a une lacération muette dans la langue. La voix qui dans la douleur s’intériorise trouve l’extension, et sa parole palpite jusque dans le sel et le sable. Elle n’habite pas seulement l’arbre nu. Dispersée aux quatre vents de l’ici et de l’ailleurs, du passé et de l’avenir, elle forge un commun espace pour le présent. Le désert a mille lieux d’espoir et de désespoir, ses pistes sont entées de voix. Celle de l’aimée y laisse des traces, lettres calcinées, éclats de consonnes filantes, voyelles ardentes qui du poème abreuvent ou assèchent les puits. Vos mots en sa quête ont des trouées, des échappées qui vous débordent et parfois l’éclairent, apaisant le cœur de son tremblement. Ses pas aussi, s’appuyant sur ce qui ne s’appuie pas, s’en raffermissent. Liés à la vivante promesse, ils affrontent son obscurité. N’avez-vous pas ainsi tenté de psalmodier l’alphabet de l’aleph jusqu’au tav, essayé de déchiffrer le vol émouvant des oiseaux quand leurs ailes creusent le vide mais enterrent le néant ? Au commencement et à la fin, n’avez-vous pas demandé si c’est l’essor de mourir ? Du tréfonds du temps vous arrive la voix antique capable d’attirer les ombres, et tel un Orphée égaré vous vous tenez sur la rive, cherchant parmi elles Eurydice effacée, et l’enfant, et les intimes de jadis, tous emportés par le vent vers les étoiles muettes. […] Sylvie Fabre G., La Maison sans vitres, La Passe du vent, 2018, pp. 123- 124. Postface d’Angèle Paoli. ___________________________ NOTE d’AP : l’historien de l’art et poète Maurice Benhamou (né le 15 janvier 1929 à Casablanca) est décédé le 11 décembre 2019 à l’âge de 90 ans. |
SYLVIE FABRE G. Source ■ Voir aussi ▼ → Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres) → Lettre des neiges éternelles (autre extrait de La Maison sans vitres) → Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres) ■ Maurice Benhamou sur Terres de femmes ▼ → [Des déserts engourdis] (extrait de Tréfonds du temps) ■ Voir encore ▼ → (sur le site de France Culture) deux émissions (« L’art en partage ») consacrées à Maurice Benhamou (Les Passagers de la nuit, 25/26 avril 2011) |
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