1er DÉCEMBRE
Le rouge-gorge s’est accoutumé à ma présence. Il m’apporte chaque jour un peu de neige dans son bec.
2 DÉCEMBRE
Le rouge-gorge, en forcené, a emporté avec lui la petite motte de beurre que j’avais déposée sur le seuil. Des journées entières sans sortir de la maison, juste quelques pas dans le jardin.
À de très rares moments, être fier d’une phrase. Se dire, là, j’ai peiné mais j’ai atteint mon but. Souvent, le résultat en est une simplicité éclairante.
Les plumes rougeoyantes de l’oiseau, une nouvelle fois suspendu à l’envers du bardage du toit : « Voilà l’éternité. »
3 DÉCEMBRE
N’abandonnons pas notre avenir aux prédateurs.
4 DÉCEMBRE
Les mésanges viennent chanter leur joie sur le rebord de la fenêtre. Beauté de l’oiseau menu sur la branche. La tache jaune à son cou est un soleil.
7 DÉCEMBRE
À l’aube dans la rue sous la pluie, la femme portant son enfant dans les bras, le serrant très fort sous sa capuche, le protégeant. Ainsi chaque jour, rejoindre le domicile d’une nourrice chez laquelle l’enfant ouvrira les yeux.
Le sentiment d’avoir eu une enfance tremblante, de ne pas avoir été protégé.
8 DÉCEMBRE
Souvent, on est écrasés. Lac immense de la tristesse. Alors, tu vas marcher.
10 DÉCEMBRE
« L’Orient que cherche le mystique, Orient non situable sur nos cartes, est dans la direction du Nord, au-delà du Nord. De ce Nord cosmique choisi comme point d’orientation, seule une marche ascensionnelle peut rapprocher. » (Henry Corbin)
11 DÉCEMBRE
C’est parce que la vie est un combat qu’elle nous enchante.
13 DÉCEMBRE
Le devoir d’une œuvre est de n’être pas sans devoir éthique, mais d’affirmer une autre forme d’espérance qui ne repose surtout pas sur la pitié, mais peut-être sur la compassion, une compassion active et non pleurnicharde, une espérance telle que le lecteur, refermant le livre, y aura puisé de nouvelles forces pour affronter l’ordinaire des jours.
Dans l’hiver écrire une phrase qui tiendrait pour l’éternité. Une phrase qui est le monde, rassemblant sa lumière, ses pierres, son air, ses vents, ses intempéries, ses chemins, ses forêts, ses pâturages, ses troupeaux, ses faibles voix humaines. Tu n’es pas le poète, mais ce pêcheur qui lance ce filet.
Ne jamais dévoiler la ferveur qui t’habite lorsque tu ramènes le filet ! Taire le trouble joyeux dans ton cœur : il permettra la phrase, le courant ininterrompu de la phrase, le mouvement face à l’étroite fenêtre qui donne sur le jardin. Le mouvement, seul le mouvement…
Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016), Éditions La Rumeur libre, 2019, pp. 185-186.
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