PRISES DE VERS AVEC LAURENT ALBARRACIN (74, 75)
Tant va la cruche à l’eau qu’elle en prend les reflets,
La teinte vineuse du début de la fin,
La couleur usée de la mer, d’étain déteint,
Qu’elle fait apercevoir sur ses flancs replets.
Allant de la vase au vase et du vase au vague,
Le poème, dans un aller-retour qui fore
En ramant dans la mer, sans y pêcher d’amphore,
Rapporte au moins une forme du fond qu’il drague.
Si tu veux surfer sur la télé de la mer,
Vas-y, je t’en prie, sois nouveau et méthodique,
Prends la vague dedans les tubes cathodiques,
Et fais gaffe dans le spot au publicitaire.
Amusons-nous au sein des failles exiguës
Et polissons nos vers pour qu’ils soient ambigus.
L. A.
En effeuillant un brin de thym sur mes lasagnes,
je songe aux beaux tableaux des lettrés de jadis
où la trace d’une encre de Chine, au lavis,
en bambou nonchalant, pleure sur les montagnes.
Ce n’est pas le bambou poussant dans les campagnes ;
ni sur l’échafaudage en marge du parvis
de Jing’An ; ni sur le marché, près des radis ;
ni le jô d’aïkido, servant quand tu castagnes…
Est-ce une chose, ce bambou ? Moins qu’une image,
c’est un geste, trace épurée, l’Unique Trait
de pinceau dont parle Citrouille-Amère (un sage
chinois ancien) ; pas une chose ; un schème abstrait.
Lasagnes sans objet, thym aveugle, poème
fondant en bouche, on peut vous déguster quand même.
P. V.
Pierre Vinclair, « Prises de vers avec Laurent Albarracin », 74, 75 in Sans adresse, éditions Lurlure, 14000 Caen, 2018, pp. 86-87.
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