Corinne Hoex, Et surtout j’étais blonde,
éditions Tétras Lyre, collection Lettrimage, 2019.
Illustrations de Marie Boralevi.
Lecture de Philippe Leuckx
[J’ÉTAIS BELLE ET BLONDE]
Poignant, écrit au scalpel, le dernier livre de Corinne Hoex, paru au Tétras Lyre : Et surtout j’étais blonde.
Les mâles mal intentionnés, pervers ou prédateurs, en prennent pour leur grade.
En six sections, la poète des Mots arrachés (éditions Tétras Lyre, 2015) incise le mal éprouvé par ce personnage de petite fille. « [É]tat de grâce », « fête foraine », « fiançailles », « noces », « les hôtes » et « gloire » dispensent leur chapelet d’horreurs. L’ironie de certains titres sangle le lecteur dans une approche qui ne puisse pas être seulement de compassion ; la blessure exige sa distance.
Le grand art est de décrire ce qui « frappe », ce qui déroge à toute tendresse, puisque la victime, approchée, exhibe son innocence, sa candeur, sa pureté et qu’elle est massacrée impunément. La poésie doit, je crois, sauver du pire infligé.
« L’épingle a une pointe et une tête.
La pointe perfore exactement mon cœur.
La tête au-dessus regarde.
Juste où il faut.
Juste ce qu’il faut.
Volupté de l’épingle qui me choisit. »
Le style de Corinne Hoex assume plusieurs tensions : dire beaucoup sans que l’ellipse apparaisse comme un squelette desséchant. Au contraire, les infinitifs, les vers maigres, la ponctuation sèche, les énoncés condensés à l’extrême donnent à la rythmique de cette poésie son essence : l’économie verbale relaie exactement le manque, la blessure, l’arrêt ; la concision rappelle l’incision ; le mot s’arrête comme un tranchant.
Les vers très brefs, les poèmes denses (jamais au-delà de dix vers) mettent à nu la blessure et les affres.
Les illustrations de Marie Boralevi (1986) éclairent les peurs d’une petite fille, harcelée, traumatisée, blessée à vif.
Un grand livre, en dépit de sa relative brièveté (64 pages).
Philippe Leuckx
pour Terres de femmes
D.R. Texte Philippe Leuckx
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