DAOU Le Daou. Un corps. Juste baiser. Tu me plaisais bien. Comme tu me dis aujourd’hui : je t’aime un peu. Piégée. Je sentais en toi le commencement de mon cri. Juste une sensation. Quant à te décrire, tu m’en vois dans l’impossibilité. Tu ressembles plus à l’élément qu’à l’être humain et déjà, ce n’est plus vrai, les mots n’ont pas de prise sur toi. Tu as de grandes oreilles de petite souris. Voilà, déjà, tu as les oreilles décollées. Un visage de plein air, un sommeil de plein air, près de toi, je prends une autre respiration. Je te croyais une fantaisie charnelle, tu es mon abécédaire, ma soif et ma faim. Et mon sommeil n’en croit pas ses rêves. Lui, implacable guerrier solitaire, tu lui manques, il te cherche la nuit. Il me réveille, me demande où tu es… Hier, ton corps était là, chez moi — interlude sans nudité. Je m’enfonçais dans le mur sous la pression de tes doigts, de ta langue… sous une latitude où les règnes se confondent, le ciment devenait mousse… j’escaladais des prières abruptes comme des montagnes — Quand le téléphone a résonné […] - « Fais l’amour ! Le monde t’oubliera » Dans mon élan du monde qui oublie, je me retourne. Il est là. Assoupi sur le canapé. Il nous garde au chaud dans sa somnolence. Je respire. Un corps. Juste un corps. Je n’ai pour mémoire que mon sexe aujourd’hui. Il était en train de naître quand ma tante m’a dérangée. Mes lèvres balbutiaient une langue nouvelle. Ce corps, cette fille aux petits yeux fripons clos sur cet instant, au cœur des choses… Juste une fantaisie charnelle. Je croyais. C’est en aimant qu’on devient quelqu’un d’autre. Ma tante n’a jamais aimé de sa vie. Elle est restée imperturbablement elle-même jusqu’à cette misère qui suinte de sa langue. Mêler sa langue à une autre langue, c’est ça qu’elle devrait faire. […] C’est la nuit qu’elle me manque. Mon sommeil est amoureux de son sommeil. Ça ne m’était jamais arrivé d’aimer un sommeil. En général, c’est une matière qui m’embarrasse chez l’autre. Là… Quelquefois, elle s’endort sur moi, je sens un à un tous ses muscles se relâcher. Son souffle s’apaise. Sa bouche s’ouvre délicatement, elle me bave dessus absolument relâchée. Je ne savais pas encore que son petit corps pouvait se bander à ce point. On a dormi ensemble avant de faire l’amour. Dormir ne regarde que soi, pensais-je avant. Le sommeil de cette fille me regarde, me dis-je aujourd’hui. Je n’ai jamais rencontré un sommeil pareil. Eau massive, noyade sans noyade, je nage en elle quand elle dort, je ne peux plus jamais mourir, mon souffle est ailleurs qu’en mes poumons. Moitié femme moitié air. Juste de quoi vivre. Je vais apprendre à dormir comme le dauphin, d’un seul hémisphère. De l’autre, je nous observe. Qu’est-ce qui fait que j’aime dormir avec toi ? Jouir, à la rigueur. Mais dormir… La première chose quand elle s’en va : trouver le calme. Respirer. Chez moi c’est trop plein d’elle. Fuir la brûlure de l’espace que laisse l’orgasme derrière lui. Fuir au plus loin de nous. Je dois l’oublier, l’oublier, sinon, c’est moi que j’oublie. Je ne me reconnais plus. |
VALÉRY MEYNADIER Source ■ Valéry Meynadier sur Terres de femmes ▼ → Divin danger (lecture d’AP) → [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier → (sur le site des éditions Al Manar) la page de l’éditeur sur Divin Danger → (sur Aller aux essentiels) d’autres extraits de Divin Danger |
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