[AUTOUR FIGÉ, AMORTI, SANS ATTENTE]
Autour figé, amorti, sans attente, comme si on y était nous aussi défait de tout mouvement, porté là ailleurs, avec seul dans la gorge qui grommelle le nœud qui grossit ; on regarde, le temps de s’arrêter ça ne veut rien dire, on s’imagine tout reconnaître, on ne voit rien.
Ni vraiment dehors ni dedans totalement, on s’échappe de tout sans sortir de rien, on marche, on continue, ciel bleu, ciel gris, mer bleue, mer grise.
Ça vient de si loin, une simple résonance qui atteint, et secoue ; sur la digue, dans le vent, c’est bon. Même sans vent, et même sans digue. Brut c’est meilleur.
Emboitant le pas, toujours en train de se quitter, écrivant ailleurs, d’une même voix.
Ce qu’on vit pèse plus que la solitude des autres réunie. On est généreux le temps d’un mot, qui dure le temps qu’on le dit.
On est là les yeux fermés, exactement comme si c’était une attente. Quand la pluie mouille, l’intérieur est d’abord atteint au cœur, ça va ensuite autour ; là où l’intérieur et le dehors se confondent c’est le plus impossible à toucher, là où la tête repose, au plus près.
L’imprécision du vide au-dedans emporte tout, pas grand-chose qui ne nous y ramène, la digue, on la recommence — pas plus en dehors d’elle-même ne tiennent les choses qu’elles ne tiennent à l’intérieur de nous.
Coincé au milieu du flot portant devant, on se retourne sur des images qui reviennent sur les mots qu’elles cachent quand on veut les balayer, les images, elles font comme si elles calmaient les choses, et nous dans le même temps.
Les mots qui se tiennent au-dehors sont écrits du bout du corps, ils ont quitté l’histoire qui les a menés à cette solitude, pas de paix davantage, ça ne ralentit rien, au bout les cadavres s’empilent, par falaises, comme une épaisse image couleur millefeuille foncé.
Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes, 1995, rééd. 2017, pp. 35, 36, 37.
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