Le 29 janvier 1987 meurt à Montecarlo (région de Lucca) en Toscane, l’écrivain italien Carlo Cassola.
Né le 17 mars 1917 à Rome, Carlo Cassola meurt à l’âge de 69 ans. Carlo Cassola est l’auteur de nombreux récits et romans. Parmi lesquels Fausto e Anna (Einaudi, 1952), La Coupe de bois ( Il taglio del bosco, Fabbri, Milano, 1953), Un cœur aride ( Un cuore arido, Einaudi, 1961), Le Chasseur ( Il cacciatore, Einaudi, 1964), Anna de Volterra ( Paura e tristezza, Einaudi, 1970), …
Son œuvre la plus connue, La ragazza di Bube (Einaudi, 1960), publiée en français en 1962 (éditions du Seuil) sous le titre La Ragazza, dans une traduction de Philippe Jaccottet, a été récompensée par le prix Strega. Le roman a inspiré à Luigi Comencini le film éponyme ( La Ragazza, 1963). Avec Claudia Cardinale dans le rôle de Mara.
Ci-dessous, un extrait de La ragazza di Bube [+ la traduction en français par Philippe Jaccottet]
[Au lendemain de la Libération, Mara tombe amoureuse du partisan Bube, héros de la Résistance]
[ANDIAMO?]
«Andiamo?» disse tendendogli la mano.
«Dove?»
«Al torrente. All’affluente» e si mise a ridere. «A lavarci il musino.»
«Oh, si, ne sento proprio il bisogno di darmi una lavata.»
Rientrarono a prendere la roba: il sapone, gli spazzolini, il dentifricio: involtarono tutto nell’asciugamano. Bube lo diede a tenere a lei: «Dimenticavo una cosa».
Mara lo vide che si affannava intorno allo zaino. La rivoltella gli scintillò nelle mani; se la mise nella tasca di dietro. E Mara sentì come un malessere dentro… Ma fu un attimo; e mentre scendevano quasi correndo per il viottolo, non c’era che un sentimento in lei, il piacere di trovarsi in campagna, libera di fare quello che voleva, e l’eccitazione di esser sola col fidanzato.
Il torrento era come una strada incassata tra due argini alti, sopra cui cresceva rigogliosa la macchia; che in qualche tratto stendeva i suoi rami nel mezzo, fino quasi a coprire la vista del cielo. Un po’ più su c’era una cascatella, e fu lì che si lavarono.
Bube si sbrigò in un minuto e risalì nel campo, perché lei potesse fare il suo comodo.
«Bubino. Non guardi mica, eh? Perché sono nuda.»
Era nuda fino alla cintola, infatti: si lavò il petto e le spalle, quindi si tirò su la maglia di cotone e la sottana, e tornò a infilarsi il reggipetto e la camicetta, che aveva appeso a un ramo.
Bube era sdraiato ai piedi di un gigantesco ciliegio al cui tronco era abbarbicata una vite, che arrivata all’altezza dei rami ricadeva all’indietro.
«Bubino, questo ciliegio e questa vite… a che cosa ti fanno pensare?» Egli non capì, e lei : «A me, a due innamorati. Lui è il giovanotto, e lei, la ragazza.»
«Lui chi?»
«Lui il ciliegio. Vedi, lei vorrebbe abbracciarlo, e lui la respinge.»
Bube aveva afferrato l’idea:
«Si potrebbe anche dire il contrario: lui la abbraccia, e lei gli sfugge.»
«No, è come dico io. Sono come io e te» aggiunse improvvisamente. «Tu mi respingi sempre, Bubino.»
«Dici così per via di ieri? Ma c’erano quelli a caricare la ghiaia…»
«Ora però non c’è nessuno. Perchè non mi abbracci?»
Bube la guardò, incerto:
«Ora sto fumando.»
«Vedi, una scusa la trovi sempre.»
Carlo Cassola, La ragazza di Bube, Seconda Parte, capitolo III [Einaudi, Torino, 1960], Mondadori Libri, I edizione Oscar Moderni, maggio 2016, Milano, pp. 78-79.
[ON Y VA ?]
« On y va ?
— Où ça ?
— Au torrent. À l’affluent, précisa-t-elle en riant. Nous laver le museau.
— D’accord. J’en ai rudement besoin. »
Ils rentrèrent prendre leurs affaires : le savon, les brosses à dents, la pâte dentifrice. Ils enveloppèrent le tout dans l’essuie-main, que Bube passa à Mara :
« J’oubliais quelque chose. »
Mara le vit s’affairer autour du sac. Le revolver lui brilla dans les mains : il le glissa dans sa poche de derrière. Mara en éprouva un vague malaise, mais qui ne dura pas. Tandis qu’ils dévalaient en courant le sentier, il n’y avait plus en elle que le plaisir d’être à la campagne, libre de faire ce qu’elle voulait, et l’excitation d’être seule avec son fiancé.
Le torrent avait l’air d’une route encaissée entre deux hautes berges sur lesquelles poussaient de vigoureuses broussailles ; celles-ci, parfois, formaient au-dessus du cours d’eau une voûte si touffue que le ciel n’était plus visible. L’eau était rare au point qu’elle suffisait tout juste à mouiller la terre jaunâtre. Un peu plus haut, elle formait une petite cascade : ce fut là qu’ils se lavèrent.
Bube eut terminé presque aussitôt et remonta dans le champ pour que Mara pût faire toilette à son aise.
« Bubino. Tu ne regardes pas, surtout ! Je suis toute nue. »
Elle était nue jusqu’à la ceinture. Elle se lava le torse et les épaules ; puis elle remonta sa camisole de coton et son jupon ; enfin, elle remit son soutien-gorge et sa blouse qu’elle avait accrochés à une branche.
Bube était étendu au pied d’un gros cerisier ; au tronc était accrochée une vigne qui, arrivée à la hauteur des branches, retombait en arrière.
« Bubino, ce cerisier et cette vigne… à quoi te font-ils penser ? »
Comme il ne comprenait pas, elle poursuivit :
« Moi, à deux amoureux. Lui c’est le garçon, elle la fille.
— Lui qui ?
— Le cerisier. Tu vois, elle voudrait l’étreindre, et lui la repousse ? »
Bube avait compris l’idée :
« On pourrait aussi dire le contraire : il l’étreint, et elle se dérobe.
— Non, c’est comme je te dis. Ils sont comme toi et moi, ajouta-t-elle brusquement. Tu me repousses toujours, Bube.
— Tu penses à hier ? Mais il y avait ces ouvriers qui chargeaient le gravier…
— Aujourd’hui il n’y a personne. Pourquoi ne m’embrasses-tu pas ?
Bube la regarda, hésitant :
« Je suis en train de fumer.
— Tu vois, tu trouves toujours des excuses. »
Carlo Cassola, La Ragazza [éditions du Seuil, 1962], Éditions Cambourakis, Collection Letteratura, 2015, pp. 121,122,123. Traduit de l’Italien par Philippe Jaccottet.
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