TWENTY-NINTH BIRTHDAY Suddenly I see that I have been wearing my mother’s body for a long time now. It all belongs to her, here where the skin is softest and here where it puckers in disgust—each inch. The very nails that pounded her body to pieces build me one just like it and I have been wearing it like a terrible house and never noticed all of it hers, except this mole on my arm—that belonged to my father’s mother and it was left to me to remind me that I am one of those witches, too, praying in the dry face of the moon while I walk around with death in my big breasts, like them, full already of my future scars and pain and hallucinations that shriek ahead like train tracks past this naked house across the self-pitying pleasureless decades left. I have turned my face to the wall to hide it while you slip my father’s angry face over yours. VINGT-NEUVIÈME ANNIVERSAIRE Je m’aperçois soudain que je porte le corps de ma mère depuis longtemps déjà. Il lui appartient tout entier, ici où la peau est la plus douce et là où elle affiche une moue dégoûtée — chaque centimètre. Ces mêmes clous qui lui ont démoli le corps m’en ont fabriqué un à l’identique et je l’ai porté comme une maison terrible sans avoir jamais rien remarqué — tout est à elle, sauf ce grain de beauté sur mon bras — celui-ci appartenait à la mère de mon père et il m’a été transmis pour me rappeler que moi aussi je suis l’une de ces sorcières, priant à la face desséchée de la lune pendant que je me promène avec la mort logée dans mes gros seins, comme elles, déjà porteuse de mes futures cicatrices hallucinations et douleurs qui lancent des cris comme les rails d’un train devant cette maison nue vers les décennies qui restent d’apitoiement et de déplaisir. Je tourne le visage vers le mur pour le cacher pendant que tu glisses le visage en colère de mon père par-dessus le tien. Laura Kasischke, Mariées rebelles [Wild Brides, New York University Press, 1991], édition bilingue, Éditions Page à Page, 2016 ; éditions POINTS, collection Points Poésie, 2017, pp. 162-163-164-165. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy. Préface de Marie Desplechin. _____________________________________________________ D’APRÈS UNE NOTE DE LA MAISON DE LA POÉSIE (PARIS) Premier recueil de poésie de Laura Kasischke traduit en français (éditions Page à Page, 2016), Mariées rebelles est également son premier recueil de poésie paru aux États-Unis (New York University Press, décembre 1991). On y retrouve les thèmes qui hantent son écriture — le secret, le sexe, la menace sourde et grandissante, la disparition et la mort omniprésente. Emplies de brutale délicatesse, ces polyphonies parfois étranges mêlent tragédies mythiques et préoccupations contemporaines. Laura Kasischke vit aujourd’hui à Ann Arbor, où elle enseigne l’écriture romanesque au Residential College de l’université du Michigan. Ses romans sont publiés chez Christian Bourgois. Parmi eux, À moi pour toujours et Esprit d’hiver (Grand Prix des Lectrices de Elle, 2014) sont des best-sellers tandis que La Vie devant ses yeux et A Suspicious River ont été adaptés au cinéma. Elle a également reçu de nombreux prix pour ses ouvrages de poésie. [Source] |
LAURA KASISCHKE Source ■ Voir | écouter aussi ▼ → (sur Babelio) une notice bio-bibliographique sur Laura Kasischke → (sur Diacritik) Laura Kasischke, american poet (Mariées rebelles) par Christine Marcandier → le site personnel de Laura Kasischke → (sur le cercle POINTS) la fiche de l’éditeur sur Mariées rebelles → (sur YouTube) Laura Kasischke American Poet (table ronde American Poets du Festival America 2016 [salle Jim Harrison de l’Auditorium Cœur de Ville, Vincennes, septembre 2016], pour Mariées rebelles. Table ronde animée par Christine Marcandier [Diacritik]) → (sur le site de France Culture) Laura Kasischke, sorcière et poétesse (« Poésie et ainsi de suite » par Manou Farine, 29 septembre 2017) |
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