ILS ATTENDENT CE QUI
ne viendra pas, ce qui est
au-delà d’eux, la très ancienne grande marée,
qui vide la mer une fois tous les millions d’années,
qu’on appelle l’enfance, ce crépuscule du matin.
L’étrange lumière rouge du soir couchant
ruisselle sur la peau, un chant carmin
de plaintes qui coule sur leurs joues.
MA MAIN NÉGATIVE
apparaît sur la vitre, dessinée par la buée.
Je les regarde tendus de l’autre côté :
Ils marchent mais n’avancent pas,
alors je pose mon front sur le tableau
de la fenêtre, pour rafraîchir ma fièvre.
Rien n’est réel que quelques gestes d’effiloche,
des visages rapiécés, des manteaux sans autre
porte-manteau que des épaules maigres.
DANS CE MOUVEMENT
figé, c’est un peuple qui surgit au fur et à mesure
du sol dur, de la marée, mais, c’est étrange,
la terre et l’eau paraissent réunies dans leur être,
liées par autre chose que la matière : ce n’est plus,
dans cette levée d’humains, le combat premier
de l’ombre et de la lumière, c’est l’ajointement
d’âmes naturelles, un horizon rebouté.
Emmanuel Merle, Le Grand Rassemblement, Jacques André éditeur, Collection la marque d’eau N° 8, 2017, pp. 8-10-11. Peintures de Philippe Agostini, photographies d’Adèle Nègre.
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