Gilles Aillaud, Autoportrait, 1955 75 x 52,5 cm, collection privée © J.L’Hoir, Paris / Archives Galerie de France Source GILLES AILLAUD | PAN ! [ENVOL D’OISEAUX] (EXTRAIT) Gilles Aillaud, Envol d’oiseaux, 2003 Huile sur toile, 150 x 200 cm. Ils déguerpissent. Ils s’affolent et fuient dans le plus grand désordre ; ou bien ils barbotent dans leur fébrilité. Un à un, le peintre les a abattus en les laissant vivants. Les voilà qui courent l’espace pour colporter cette nouvelle. Ils zigzaguent dans l’air et dans leurs corps. Ils paniquent. Leurs contorsions les démembrent. Mais ils ne peuvent échapper à la peinture. Une main s’est portée à la hauteur de leur détente. Une main a vécu la même fièvre subite. … Ce pourrait être l’image d’avant ou celle d’après. Le qui-vive serait toujours là et ce serait toujours comme ça. Toutes les images seraient pareilles et différentes. Des moments de toujours. Gilles Aillaud est de ceux pour qui chaque instant compte comme si c’était la terre entière ; guetteur d’éternité au cœur de l’ordinaire, grâce à quoi on peut, dans le même temps, entendre les dieux s’enfuir et voir leur brouhaha. Cela résonne comme un coup de fusil. Cela détonne en nous comme un savoir qui se referme, un son coupé de sa source, devenu apparent, disparu dans son battement. Pan ! fait s’envoler les oiseaux et cette frayeur est une beauté. Et une banalité. Pagaille indescriptible. Tout tremble ou fuse, en tremblant, en fusant. Rien ne sera plus comme avant, et cependant tout reprendra ses droits. Un regard conducteur, une passation corporelle auront construit ce qui ne se voit pas. Un octroi de présence. Un adieu à l’adieu, à l’impossible saisie déplacée par l’impossible poignet. Il a tiré à vue, et tout lui a échappé : les oiseaux fous et les flotteurs, les coups de rein, les embardées et les retardataires. […] Ce sont des oiseaux noirs. Avec eux, le noir s’élève, le deuil se dilue. Un peintre qui claudique vole une dernière fois. Ses oiseaux de malheur dansent à sa main. Une allégresse torture la gigue des voiliers et c’est la sienne qui l’orchestre fantasquement. Pour la main qui peint, les dieux sont musiciens. Leur silence nous suffit. […] Avec ce tableau, Gilles Aillaud a peint le motif impossible, celui qui n’a pas de forme et qui les contient toutes. En enfant d’Héraclite et en maître oriental au trait unique. Passant de l’apparence à l’invisible et réciproquement, l’une et l’autre issus d’une même nichée qui serait celle de l’art consommant ses ressources avec celles de la nature. […] Avec cet Envol d’oiseaux réalisé à la fin de l’été 2003, Gilles Aillaud peindra encore trois toiles de la même dimension (150 x 200 cm) dans le courant de l’hiver et du printemps 2004. […] Nicolas Pesquès, « Gilles Aillaud » (extrait) in Sans Peinture, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2017, pp. 91-92-93-94. |
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