[DANS MA MAISON DE GERONIMO]
Dans ma maison de Geronimo
les tables sont encombrées de livres
de papiers et de corbeilles à raisins
Sur les abat-jour des lampes
j’épingle des papillons
Je voudrais que quelque chose se passe
Dans ma maison de Geronimo je me tais éperdument
À qui parlons-nous lorsque nous nous taisons
La cour s’emplit de feuilles mortes
le vent a dénudé la tonnelle
je fais de petits tas que je brûle au fur et à mesure
mais rien ne pourra empêcher l’automne
de consumer aussi mes mains mon visage
Il est temps
Je voudrais que quelqu’un me dessine
au fond d’un bol de porcelaine
cuise mon visage dans l’argile blanche
puis l’oublie
jusqu’à l’ébréchure
quand gouttera un peu d’eau
de ma joue divisée
Autrefois c’était une maison dans les vignes
Je dis ma maison de Geronimo
mais nous disions alors villa Clorinde
Émile et Eugénie l’avaient choisie pour une véranda
mauve et verte qui brillait aux doigts de la maison
Je crois qu’ils y voyaient des tables longues et du soleil
dessus
des enfants de tous côtés
et un chien gris comme roulé dans la cendre
des poules mon dieu oui des poules aussi
Je dors en colombe la tête sous l’aile
et dans mon sommeil je traverse chaque pièce
l’une après l’autre très lentement
Il y a une tortue en plastique sur une étagère
et une sorte de baldaquin défraîchi
je me demande comment d’autres petites pièces
ont pu contenir tant de nuits d’épouvante
Victorine et Joachim n’avaient qu’une cabane
derrière la pergola
un couvre-lit immaculé
et un vase en cristal pour les pâquerettes
Un train très lent passait en contrebas
que l’on prenait pour des repas au bord de mer
Il n’y aurait qu’une toute petite fille
dans cette maison-là
et un piano
Marie Huot, Ma Maison de Geronimo, Al Manar éditions, Collection Poésie, 2017, pp. 11-12-13. Dessin et gravures Estelle Lacombe.
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