1
Le fleuve hésite entre les îles. À quelle rive offrir les caresses de son eau ? Celle qu’il choisira connaîtra l’usure, la perte.
[…]
4
Peut-être faudrait-il que je dise l’horreur qui ronge les alentours, proches ou lointains.
Cet invisible couteau, je le porte en travers de la gorge. S’il m’empêche de parler, il n’empêche pas mes mains d’écrire. Quand les jours sont trop sombres, je récolte des mots, petites lucioles sur les sentiers d’ici, loin des connexions qu’impose le monde.
Si l’encre ne peut éclairer la blancheur du papier, où nos cœurs pourraient-ils découvrir la lumière dont ils ont besoin, battre au tempo d’un temps qui s’accorde à la durée ?
[…]
6
Dans nos gorges étranglées, la beauté bâtit parfois son nid de ronces.
Nous demeurons là, stupéfaits, impuissants, ne sachant si nos larmes irriguent un feu de joie où brûlent dans le ruisseau des heures. Entre terre et ciel, s’envoler ou se noyer dans le courant des jours. Moments précaires ; toujours l’eau du temps nous ramène au petit plancher de notre barque.
[…]
10
De petits riens. Les bruissements les plus sobres. Vols de bourdons. Chants d’oiseaux. Feuilles qui frémissent dans le vent.
Le murmure d’une voix s’élève pourtant. Une invisible voix. Elle délivre une parole qui respire, dont on peine à comprendre le chuchotement doux. Pour peu que nous l’écoutions avec une totale attention, elle nous conduit jusqu’au chant.
Philippe Mathy, « Fenêtres sur Loire 3. Automne », Veilleur d’instants, poèmes de Pouilly-sur-Loire, éditions L’herbe qui tremble, 2017, pp. 87-90-92-96. Peintures de Pascale Nectoux.
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