Terres de femmes répond à l’appel lancé ce jour par Tieri Briet et Ricardo Montserrat Galindo : diffuser le plus possible, le plus largement possible, le plus fort possible, la parole d’une écrivaine emprisonnée qu’un régime autocratique veut étouffer. Tous ensemble, relayons la liberté. EST-CE MOI Qu’est-ce que je cherchais là ? Il ne restait rien qui fût moi. Rien de ce qui était en moi n’était digne de s’appeler ainsi, capable de se concrétiser face à quelqu’un d’autre, de persister tout au long d’un destin, jusqu’à la fin d’une histoire. Quand j’ouvris les yeux, je me retrouvai dans un univers pétrifié. Couleur cendre, couleur fumée, couleur cœur… Je fermai les yeux, je les rouvris, j’étais toujours au même endroit, dans la même réalité hors du monde. Je roulais vers les profondeurs d’un cauchemar ; j’essayais de me raccrocher à quelque chose pour m’arrêter, parfois je réussissais à grand-peine à me redresser, mais c’était en vain, je tombais. Tout ce qui jusqu’à ce jour m’avait maintenue debout, à la surface de la terre, à l’intérieur de mon corps, échappait instantanément à mes bras. Dans ce gouffre désert, tout à fait étranger, je ne trouvais pas un seul mot auquel me cramponner, auquel grimper en m’aidant des ongles et des dents. D’ailleurs, si même j’en avais trouvé un, comment aurais-je pu m’y accrocher, avec ces mains blafardes et ces dents brisées ? Le sang qui coulait sans arrêt, tiède, amène, bienveillant, de mes dents du haut, se répandait sur mon palais, suintait au coin de mes lèvres et emplissait mes fosses nasales. Ne pouvant plus rester dans mon corps tremblant et éperdu, il cherchait à jaillir hors de mes veines, mais au dernier moment, il ne pouvait se décider à me quitter. Mais qu’il était long à sécher… Je n’avais pas mal, le goût du sang est moins salé qu’on le dit, mais je ne pouvais empêcher mes mâchoires de s’entrechoquer. Ceux qui connaissaient mal la nature humaine et se figuraient que la souffrance a un début et une fin prétendaient que rien n’est aussi terrible qu’on le craint… Mais ils n’ont surplombé que des gouffres familiers, ils n’ont jamais été aspirés dans la spirale sans fin de la peur… « Après tout, ce sera fini à l’aube », disaient-ils. Mais l’aube ne peut sortir que de la nuit. Avant le lever du jour tu me livreras trois fois. J’étais confinée dans un Maintenant infini, tout d’une pièce, qui a perdu sa petite aiguille et dont la grande aiguille parcourt sans cesse le même cercle. […] Asli Erdoğan, Le Bâtiment de pierre, récit traduit du turc par Jean Descat, Actes Sud, 2013, pp. 55-56. |
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Voici un poème que j'ai écrit sur mon blog (http://mokhtarives.blogspot.com/) afin de mobiliser pour la libération immédiate d'Aslı Erdoğan.
LES AILES D'ASLI
pour la libération immédiate de la romancière Aslı Erdoğan
Les mains des hautes lumières
T’ont déjà sculpté un nid
Pour tes justes envols !
Aux syllabes chantant
Les chauds rivages
Des résistants soleils
Tes pas crient l’envergure des vrais
Qui refusent les linceuls
Des basses traîtresses allégeances !
Tu sauras toujours pulvériser
Les barreaux des faux
Pour soulever à jamais
Des creux des détresses
Les tempêtes de fleurs
Dont le feu refuse toute laisse !
© Mokhtar El Amraoui
Le 12/11/2016
Rédigé par : Mokhtar El Amraoui | 14 novembre 2016 à 21:16
Merci à vous tous et à Terres de femmes de relayer. Ce qui se passe en Turquie est terrible et il n'y a guère de réactions de l'Europe. Mobilisons-nous pour eux. Sylvie Fabre G.
Rédigé par : Sylvie Fabre G. | 15 novembre 2016 à 10:59
★ Parler. Dire. Agir. Encore et jusqu'à la libération d'Aslı Erdoğan. Ce soir, à la Distillerie de Montrouge, Barbara Bouley commencera sa séance de lectures publiques avec l'ensemble Lire Ici Dire là, en lisant des textes d'Asli Erdogan. C'est à 19h30. Beaucoup d'autres lectures auront lieu d'ici peu. Mais là, ce soir, c'est la première et nous allons essayer de le faire savoir à Asli Erdogan, au fond de sa cellule.
C'est le commencement d'un long combat. Mais ensemble, nous obtiendrons qu'Asli soit libérée.
Rédigé par : Tieri Briet | 15 novembre 2016 à 16:24